Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 43

Les institutions politiques singulièrement la fonction législative du roi. La première relève du vocabulaire et de la variété des termes utilisés pour distinguer les actes que suscite cette fonction. Fonction « législative » convient aux temps actuels, où la loi est par excellence l'expression du droit. Le terme « loi » n'est pas inconnu dans la doctrine savante médiévale qui, avec les Romains (dont elle utilise le langage) parle volontiers de loi (lex). Mais l'usage médiéval connaît également d'autres termes : établissement, mandement, ordonnance, constitution, statut, édit, etc. et il est parfois délicat de donner à chacun de ces termes un sens technique propre et précis. Cette incertitude du vocabulaire a incité certains médiévistes à préférer parler d'un « pouvoir normatif » plutôt que du « pouvoir législatif ». Si nous conservons, par commodité, cette dernière expression, que cautionne une longue tradition, nous n'ignorons pas qu'elle s'étend bien au-delà des seules « lois ». D'autre part, il est quasiment impossible de prendre la mesure exacte de cette activité « législative » car notre information sur ce point est très médiocre. Que connaissons-nous de la législation royale d'Hugues Capet à Saint Louis ? Insuffisance des publications de textes législatifs, parfois médiocres60, ou même totalement défaillantes61. Et que représentent les documents conservés (parfois encore reposant dans des archives publiques) par rapport aux actes qui furent émis ? Sous le bénéfice de ces deux catégories d'observation, avec la prudence qu'elles imposent, tentons de retrouver ce que la doctrine médiévale62 a voulu retenir de cette fonction législative du roi63, qu'il s'agisse de son fondement et sa justification d'une part, de son inspiration de l'autre64. 60. Ainsi l'irremplaçable collection des 29 volumes des Anciennes lois françaises d'Isambert (1821-1830) pour la période 420-1789. 61. Il y a heureusement de remarquables publications de textes ou de catalogues, par exemple Ch. Langlois a donné pour le « Règne de Philippe III » un imposant Catalogue p. 386-416. Pour les actes eux-mêmes, voir par exemple : O. GUYOTJEANNIN, « Les actes de Henri Ier et la chancellerie royale dans les années 1020-1060 », CRAI, 1988, p. 81-97 ; J. DUFOUR, Recueil des actes de Louis VI, roi de France (1108-1137), 4 vol., Paris, 1992-94 ; A. LUCHAIRE, Étude sur les actes de Louis VII ; J. MONICAT et J. BOUSSARD, Recueil des actes de Philippe-Auguste, roi de France, 4 vol., Paris, 1967-79 ; L. DELISLE, Les mandements de Charles V, Paris, 1874. 62. Les doctrines s'expriment le plus souvent dans de brèves incidentes à propos de diverses situations, mais également dans des regroupements plus ou moins riches de textes de caractère normatif. Ainsi dans la Collectio canonum d'Abbon, abbé de Fleury, dédiée aux rois Hugues et Robert, c.6 : de praeceptis regalibus vel imperialibus, ou dans la Panormie d'Yves de Chartes, II, 138-148, de legibus (PL. 161, 1115-1122). 63. On retrouvera plus loin (infra, nº 76 et s.) ce qui concerne les modalités pratiques et les résultats de cette activité, concernant l'élaboration et la mise en application de la « loi ». 64. Ici encore les travaux sont nombreux. Citons en seulement quelques-uns, d'objets très différents : J. GAUDEMET, « La contribution des romanistes et des canonistes à la théorie de l'État », Diritto nella storia europea, Atti IVo conv. intern. della società italiana di storia del diritto, in onore di B. Paradisi, Florence, 1982, p. 1-36 ; L. MAYALI, « Lex animata », « Rationalisation du pouvoir politique et science juridique, XIIe-XIVe siècles », Renaissance..., p. 155-164 ; J. KRYNEN, « De notre certaine science... », ibid, p. 131-144 ; A. RIGAUDIÈRE, « Législation royale et construction de l'État dans la France du XIIIe siècle », ibid, p. 203-236 ; A. RIGAUDIÈRE, « Princeps legibus solutus est » et « Quod principi placuit », Hommages Boulvert, Nice, 1987, p. 427-453 ; H. MOREL, « L'absolutisme français procède-t-il du droit romain ? », Mélanges J. Imbert, Paris, 1989, p. 425-440 ; G. GIORDANENGO, « Le pouvoir législatif du roi de France, XIe-XIIIe siècle », BEC, 147, 1989, p. 283-310 ; A. LECA, « La place de la lex digna dans l'histoire des institutions et des idées politiques », De l'influence de l'Antiquité sur la pensée politique, 1996, p. 159-174 ; S. PETIT-RENAUD, Faire loy au Royaume de France de Philippe VI à Charles V (1328-1380), Th. Paris II, Paris, De Boccard, 2005, 529 p. 43

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