Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 46

INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT (status rei publicae et status ecclesiae), en particulier celles qui protègent les droits de la couronne et tout spécialement l'inaliénabilité du domaine de la couronne ou la dévolution du pouvoir royal80. On s'acheminait ainsi peu à peu vers une notion de « lois fondamentales », préfiguration d'une forme de constitution, qui sera plus nettement affirmée à partir du XVIe siècle. b. Inspiration et finalité de la loi 25. Pourquoi des lois ? La question ne pouvait échapper aux docteurs médiévaux, qu'ils soient juristes ou théologiens. Le plus souvent, leurs réponses concordent. Une première réponse est une évidence : sans loi, aucun groupe humain, quel que soit le nombre de ses membres et les fins qu'il se propose, ne pourrait subsister. La durée du groupe suppose une certaine discipline, un certain ordre. Et celui-ci exige le respect de règles, de lois au sens le plus large du terme. On n'insistera pas sur cette nécessité ; elle n'est pas propre à la période que nous envisageons. Ce sont les finalités mises en avant par les docteurs médiévaux qui seules nous intéressent ici. On peut les grouper autour des deux notions de justice morale et d'utilité publique81. 26. Le souci de donner des lois inspirées par la justice était ancien. Ne remontons pas aux leçons des jurisconsultes de la Rome impériale. Citons seulement celui qui au VIIe siècle dans ses « Étymologies » assura la transmission au Moyen Âge de l'héritage intellectuel de Rome, Isidore de Séville. Il lançait ceci : « Malheur à ceux qui font des lois iniques ». De son côté, la tradition judéo-chrétienne insistait sur la nécessité de « lois justes »82. Convergence de traditions qui toutes les deux voulaient des lois justes, même si toutes les deux n'avaient pas la même appréciation de la justice. Au XIIe siècle, dans sa Summa sur le Code de Justinien, le romaniste Placentin donne pour fonction à la législation de combattre deux graves vices. La loi doit freiner l'audacia humaine et faire disparaître l'ignorance. 27. L'autre fin que la doctrine classique assigne à la loi du roi, c'est son utilité. Deux expressions sont alors mises en avant, tantôt l'utilité publique, tantôt le bien commun. Elles ne sont pas identiques ; l'une évoque l'intérêt de la « chose publique », l'État qui commence à s'affirmer, l'autre le bien de la communauté. Si le plus souvent tous deux se confondent, il n'en va pas toujours ainsi. L'historien notera que ces deux références sont d'âges différents. Les juristes romains avaient souvent fait appel à « l'utilité publique »83. C'est à eux que les romanistes médiévaux se réfèrent ici. Le « bien commun » est au contraire une notion médiévale 80. S. PETIT-RENAUD, op. cit., et infra, nº 230 à 233. 81. A. RIGAUDIÈRE, « Législation royale et construction de l'État dans la France du XIIIe siècle », Renaissance..., p. 212-213. 82. Le Livre des Proverbes (8, 15) disait : « en moi (Yahvé) les fondateurs de lois décident de mesures justes ». 83. J. GAUDEMET, « Utilitas publica », RHD, 1951, op. cit. ; C. LEVELEUX-TEIXIERA, « L'utilitas publica ... », op. cit. 46

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