Hors collection - Droit de la musique - 298

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Le marché

A. LA

possiBiLité pour un créAteur de s'AffiLier à une société
de gestion coLLective étrAngère

563. L'interdiction d'une affiliation fondée sur la nationalité ou le domicile
du créateur, constitutive d'un abus de position dominante. Constatant la position
dominante traditionnelle de la plupart des sociétés de gestion collective sur leur
propre territoire, les juridictions européennes ont très tôt vérifié si ces sociétés
n'exploitaient pas abusivement cette position dominante dans leurs rapports avec
leurs membres (compositeurs, auteurs, éditeurs, artistes-interprètes, artistes
exécutants...).
Dès 1971, la Commission européenne a considéré que constituait un abus de
position dominante le fait, pour une société de gestion collective, d'exercer une
discrimination à l'égard des ressortissants d'autres États européens, en leur refusant
de devenir membre au regard de leur nationalité. C'est ainsi que la GEMA, société
de gestion collective allemande, s'est vue condamnée pour avoir refusé l'affiliation
de créateurs, ressortissant d'un autre État européen, dès lors qu'ils ne disposaient
pas d'un domicile fiscal en Allemagne111.
La Cour de justice des communautés européennes a adopté la même position en
1982. Elle a confirmé qu'une société de gestion collective (en l'espèce, la GVL,
société de gestion collective allemande gérant certains droits voisins pour des artistes
exécutants en Allemagne) s'était rendue coupable d'un abus de position dominante
en refusant de conclure des contrats de gestion avec des créateurs qui n'avaient pas
la nationalité allemande et qui n'étaient pas domiciliés en Allemagne, ainsi qu'en
refusant de protéger les droits de ces artistes en Allemagne112.
Pour tenter de justifier les restrictions d'affiliation imposées à ces artistes, la société
de gestion collective faisait valoir que celles-ci étaient fondées sur la nature des droits
dont ils étaient titulaires et sur la disparité des législations nationales relatives aux
droits d'auteur et aux droits voisins (certaines d'entre elles ne reconnaissant pas les
redevances au titre de la deuxième exploitation du droit d'auteur). Allant en sens
contraire, la Cour de justice a considéré que même en l'absence d'harmonisation
des législations nationales, la société de gestion collective « ne pouvait pas exclure la
possibilité que certains artistes étrangers non domiciliés en république fédérale d'Allemagne pouvaient se prévaloir de droits à titre de deuxième exploitation » et qu'« elle
savait qu'en refusant de gérer ces droits elle empêchait en fait ces artistes de percevoir les
redevances auxquelles ils avaient droit »113.
La Cour de justice a ainsi posé en principe qu'« un tel refus, par une entreprise
ayant un monopole de fait, de prêter ses services à tous ceux qui peuvent en avoir besoin,
mais qui ne relèvent pas d'une certaine catégorie, que cette entreprise a circonscrite en
111. V. Com. eur. 2 juin 1971, IV/26 760 GEMA I, décision modifiée par la décision 72/268/CEE du 6 juill.
1972
112. V. Com. eur. 29 oct. 1981, IV/29.839 GVL, recours rejeté par CJCE, 2 mars 1983, 7/82
113. V. consid. 54, décision de la Commission, affaire GVL précitée.

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