Hors collection - Droit de la musique - 74

74

Les biens

Henri Desbois, soulignant l'importance d'un jugement du tribunal de commerce
de la Seine de 1937, évoquait clairement un tel droit de synchronisation à propos
d'illustrations sonores de publicités par des mélodies en vogue à l'époque, le rattachant au droit de reproduction à usage professionnel83.
Pour expliquer l'existence de ce droit en France, on y a vu une application du
droit de reproduction : en tant que tel, il relèverait des droits apportés par l'auteur
à sa société de gestion collective, en l'occurrence la SACEM. Pour d'autres, l'autorisation de l'auteur serait nécessaire au titre de son droit moral : l'insertion de l'œuvre
dans un certain contexte lui assignerait une destination non prévue au départ. On
peut y voir, aussi, un droit sui generis, de nature spécifique.
La qualification n'est pas sans conséquence. Y voir une déclinaison du droit de
reproduction en réserverait l'exercice à la société de gestion collective des auteurs,
si l'intéressé y a adhéré84. Y reconnaître une prérogative de droit moral emporterait
la conséquence inverse d'en réserver l'exercice l'auteur, et ce droit pourrait, même,
être exercé après que l'œuvre soit tombée dans le domaine public85. Le considérer
comme un droit sui generis permet de le réserver à l'auteur et à l'éditeur.
133. Rémunération. Cette dernière solution semble être celle qui est retenue86.
Et, en pratique, la rémunération du droit de synchronisation est versée par le
producteur de l'œuvre audiovisuelle à l'éditeur musical. Elle est librement négociée
par eux, puis l'éditeur la partage avec l'auteur selon la proportion fixée là encore
par convention87.
En revanche, si l'on adoptait l'idée que la synchronisation constitue une modalité
de la reproduction, elle devrait être gérée par la SACEM qui reverserait les redevances
pour moitié à l'auteur et à l'éditeur, après avoir prélevé ses frais de fonctionnement.
Les ayants droit conservent donc la possibilité de ne pas apporter ce droit en gestion
RDC 2013. 627, note J.-B. Seube, cassation : « les parties étaient convenues de conférer à La Maison de Poésie, pendant
toute la durée de son existence, la jouissance ou l'occupation des locaux où elle était installée ou de locaux de remplacement,
la cour d'appel, qui a méconnu leur volonté de constituer un droit réel au profit de la fondation ».
83. V. H. Desbois, Le droit d'auteur en France, précité, no 240.
84. Ainsi, dans ses statuts, art. 34, la SACEM se réserve-t-elle de nombreux cas de synchronisation.
85. On peut faire voir en ce sens l'arrêt Civ. 1re, 13 juin 2006, pourvoi no 04-15456, précité, qui réserve le jeu
du droit moral.
86. En ce sens, v. civ 1re 17 déc. 1991, aff. Fixot et de Rothschild c. Neuburger, pourvoi no 90-16089, non pub.
bull., précité : « l'incorporation d'une mélodie dans une séquence publicitaire ne constitue pas une simple exécution
publique de l'œuvre, seule visée par l'art. 1er des statuts de la SACEM, qu'elle a souverainement interprétés, et que
l'exploitation des droits dérivés d'une telle utilisation publicitaire était soumise à l'autorisation de l'auteur lui-même, ou
de ses ayants cause, et, éventuellement, de son éditeur » ; rappr. Civ. 1re, 24 févr. 1998, pourvoi no 95-22282, cassation,
aff. TF1/Sté Sony Music Entertainment France et autre, Bull. Civ. I, no 75, précité : s'agissant du grief fait à TF1
« pour avoir utilisé une œuvre musicale de M. X..., éditée par elle, pour illustrer une émission qui proposait au public
d'acquérir des épinglettes au nom de la société TF 1 à l'occasion des Jeux olympiques de 1992 », la cour de cassation
déclare que « les auteurs et éditeurs ayant adhéré à la SACEM n'en conservaient pas moins l'exercice de leurs droits sur
l'œuvre, dont ils pouvaient demander la protection, notamment, par l'action en contrefaçon ».
87. Pour une telle répartition, v. Paris 6 déc. 2006, Legifrance, admettant la résiliation du contrat d'édition :
arrêt selon lequel l'auteur des chansons « perçoit de la SACEM/SDRM les rémunérations dues au titre des exécutions
publiques et de reproduction mécanique de ses œuvres, et que [l'éditeur] est exclusivement redevable à son égard des droits
correspondant à l'édition graphique et aux droits de synchronisation ».
Hors collection - Droit de la musique

Table des matières de la publication Hors collection - Droit de la musique
