Précis Domat - Institutions judiciaires 2017-2018 - 16e - 448

INSTITUTIONS JUDICIAIRES

à partir des informations recueillies dans les cabinets d'instruction. Le véritable
danger est là ; et malheureusement il n'est pas théorique69.
c) Finalement, l'hésitation la plus sérieuse vient de ce que l'on a parfois le sentiment que l'instruction de certaines affaires, dites « sensibles », ne se poursuit sans
entrave que parce que la presse en a révélé l'existence ou a mis en évidence certains
dysfonctionnements qui provoquent la surprise. Il est certes déplorable que l'administration de la justice soit tributaire des pressions de l'opinion publique. Mais il
arrive un moment où l'on en vient à penser que la révélation de certaines anomalies
est peut-être une chose salutaire. C'est assez dire la complexité du problème.
III. - La tendance actuelle serait assez favorable à l'abandon du secret de l'instruction pénale, au motif souvent répété qu'il est extrêmement difficile d'empêcher
les indiscrétions. Pour l'instant, le législateur moderne a choisi de mettre en place
un dispositif de procédure pour corriger les méfaits résultant de certaines indiscrétions. Après avoir posé en principe que « chacun a droit au respect de la présomption d'innocence », l'article 9-1 du Code civil ouvre à toute personne mise en cause
dans une procédure pénale, qui s'estimerait lésée par une indiscrétion de cette
nature, la faculté de saisir le juge des référés pour obtenir immédiatement l'insertion d'un rectificatif dans la presse ou la diffusion d'un communiqué70.
Cette parade est loin d'être négligeable. Mais elle est en fait assez peu utilisée.
Bref le débat reste ouvert.
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II. Débats oraux : la publicité de l'audience et ses dérogations. - Après de
longs mois d'instruction, lorsque l'affaire paraît en état d'être jugée, elle est appelée
à une audience pour donner lieu à un débat oral contradictoire. En règle générale,
les débats sont publics. L'opinion est invitée en quelque sorte à devenir le témoin
virtuel du respect des formes, de l'impartialité des juges et de la conduite régulière
des débats. Chacun pourra ainsi se rendre compte de la manière dont la justice est
rendue et dénoncer éventuellement les défaillances constatées. À ce titre, la publicité de l'audience est un « principe général du droit »71.

■ 69. La dramatique affaire Villemin (au cours du printemps et de l'été 1985, mais qui n'est pas

terminée...) a bien montré les méfaits d'une information débridée qui n'a plus d'autre préoccupation que
de « faire du tirage » : l'expérience a révélé que les droits de la défense risquent d'en pâtir sérieusement,
tout autant que l'institution judiciaire. Et que dire des avocats qui commencent à plaider devant des caméras
de la télévision en sortant du cabinet d'un juge d'instruction ! Cette pratique théâtrale est lamentable.
70. Article 9-1 du Code civil : « Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence. Lorsqu'une
personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l'objet
d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation
du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un
communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne,
physique ou morale, responsable de cette atteinte. » - À titre d'exemple : Cass. Ass. plén., 21 déc. 2006,
Bull. civ. Ass. plén. no 15, JCP 2007, act. no 15, p. 11.
71. Cons. État, 4 oct. 1974, Dame David, Rec. Lebon, p. 464, concl. Gentot, D. 1975.379, note Auby,
JCP 1974.II.17967, note Drago. - Ce principe paraît d'ailleurs si naturel que la notion d'audience a fini par
être associée à l'idée de publicité, au point que, pour constater que les débats ont eu lieu publiquement, il
suffit de dire qu'ils ont eu lieu à l'audience, sans qu'il soit nécessaire de préciser que l'audience a été
publique, tant cela va de soi (Civ., 30 mars 1960, Bull. civ. II, p. 148).

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