Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 17

Introduction

1. « Un plus un égale trois ». La formule traduit l'idée selon laquelle le résultat
obtenu à partir de l'association de deux éléments distincts est supérieur à la somme de
ses éléments ; elle résume assez bien l'intérêt que présente toute forme d'action collective. En se regroupant et en organisant leurs relations mutuelles, les individus voient
leur action démultipliée. Le groupe qu'ils forment, entendu dans son sens courant
comme un « ensemble de personnes qui ont des attitudes et des comportements communs, ayant un objectif commun qui conditionne la cohésion de ses membres »1, permet
d'atteindre un résultat qu'ils n'auraient jamais pu réaliser seul. La clef de voûte de
l'action collective réside dans l'organisation des relations2.
2. L'observation de la vie économique fournit un bon exemple de l'importance
accordée aux relations entre acteurs. Dans un monde en perpétuel mouvement où
flexibilité, réactivité et adaptation sont devenues les maîtres mots de la survie économique, la capacité à nouer des relations alliant stabilité et souplesse est considérée
comme un atout. La sous-traitance, le partenariat, la filialisation, la franchise en sont
autant de manifestations. L'intensification de ces types de liens entre des entités économiques jusqu'alors conçues de manière isolée a favorisé l'émergence d'organisations inédites parmi lesquelles le groupe occupe une place prépondérante dans le tissu
économique actuel3.
3. Le groupe d'entreprises n'est pas à proprement parler une nouvelle forme d'organisation économique, puisque, dès le début du xxe siècle4, son existence, certes marginale, est déjà constatée. Ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du xxe siècle que cette
forme d'organisation économique connaît un essor sans précédent. Son succès est lié
aux avantages que la souplesse de sa structure offre aux acteurs économiques face aux
contraintes de la « nouvelle donne » économique. C'est bien dans un contexte économique renouvelé que cette forme d'organisation économique révèle tout son intérêt.
1. B. Rohmer et B. Willerval, Petit Larousse en couleurs, Paris, Larousse, 1987.
2. Les sciences sociales ont ainsi mis en évidence que tout regroupement de personnes ne constitue pas
nécessairement un groupe, en l'absence de relations entre chacun des éléments constitutifs du groupe. C'est
la dimension relationnelle du groupe qui permet de le distinguer de la simple juxtaposition de personnes.
3. Les études chiffrées de l'INSEE sont sur ce point particulièrement évocatrices. En France, 1306
groupes étaient recensée en 1980 ; en 2008, ils sont près de 40 700. Ils emploient à eux seuls environ 58 %
des salariés du secteur privé (hors secteur financier). Dans le secteur de l'énergie et de l'industrie automobile, plus d'une société sur quatre appartient à un groupe, ce qui représente plus de neuf salariés sur
dix sont employés par un groupe dans ce secteur. Les autres secteurs industriels lourds (biens d'équipement et biens intermédiaires) sont également largement dominés par les groupes, comme dans l'industrie
des biens de consommation, les transports et certains services aux entreprises. Précisons que ces chiffres
se fondent sur une approche restrictive du groupe défini comme « un ensemble de sociétés contrôlées
majoritairement, directement ou indirectement, par une même société, elle-même non contrôlée majoritairement par une autre société (directement ou indirectement), cette dernière société étant appelée sociétémère ou tête de groupe ». INSEE, « Images économiques des entreprises et des groupes au 1er janvier 2008 », Insee Résultats, n° 46, avril 2010, disponible sur le site : http ://www.insee.fr.
4. C. Pottier, Les multinationales et la mise en concurrence des salariés, op. cit.

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