Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 190

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LA NOTION DE GROUPE D'ENTREPRISES EN DROIT DU TRAVAIL

le lieu d'exploitation leur permettaient la permutation de tout ou partie du personnel »193. Le contrat de travail est ici considéré comme un élément de fait permettant
aux juges du fond de constater la « zone de mobilité du salarié »194.
492. La constatation de la mobilité effective du salarié et l'importance accordée
aux prévisions contractuelles des parties présentent néanmoins l'inconvénient d'exclure du reclassement dans le groupe tous les salariés qui ne peuvent se prévaloir d'une
mobilité intra-groupe. Souhaitant étendre le principe d'un reclassement dans le groupe
à l'ensemble des salariés afin de préserver autant que possible la relation d'emploi, la
jurisprudence admet que la mobilité n'a pas à être effective pourvu qu'elle soit seulement possible au regard de l'activité, de l'organisation ou du lieu d'exploitation des
entreprises d'un groupe195. Ces critères permettent d'objectiver l'espace de reclassement du salarié à l'intérieur du groupe. Les juges du fond procèdent à une analyse in
concreto de ces différents critères.
493. L'activité des entreprises peut ainsi indiquer l'existence de possibilités de permutation. Il existe en effet de fortes chances pour que des entreprises aux activités suffisamment proches, aient des postes de travail aux tâches identiques ou similaires favorisant l'interchangeabilité du personnel. La jurisprudence n'exige toutefois pas que ces
activités soient identiques, similaires196, ni même complémentaires. À la différence de
l'unité économique et sociale, le cadre d'appréciation des possibilités de reclassement
peut inclure des entreprises aux activités très différentes, pourvu que des permutations
soient possibles. Le critère de l'organisation des entreprises peut également permettre
d'attirer l'attention sur l'existence de pratiques de groupe susceptibles de faciliter la permutation du personnel. « Lorsqu'un groupe est organisé de telle sorte qu'il existe une
politique centralisée de gestion du personnel (formation, rémunération, négociation collective,...), entre deux ou plusieurs entreprises, les déplacements de personnel d'une entreprise
vers une autre pourront être gérés plus aisément »197. Malgré le peu d'illustrations jurisprudentielles de ce critère, il semble que les relations capitalistiques ne sont pas prises en
compte. Selon une jurisprudence constante, « la seule détention d'une partie du capital de
la société (...) par trois autres sociétés n'implique pas en soi la possibilité d'effectuer entre
elles la permutation de tout ou partie du personnel et ne caractérise pas l'existence d'un
groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer »198. En revanche, la centralisation
de fonctions administratives au sein d'une société du groupe est un élément organisationnel pertinent. Un arrêt de la Cour de cassation retient, dans l'appréciation des
efforts de reclassement de l'employeur, que « la société avait procédé à la recherche des
postes disponibles dans les filiales étrangères de la société et notamment dans la société
belge qui s'était vu confier la centralisation des fonctions administrative, comptable et
financière de l'ensemble des sociétés du groupe »199.
193. Cass. soc., 5 octobre 1999, n° 97-41838, JCP G 1999, act., p. 1965 ; Dr. soc. 1999, p. 1112,
obs. G. Couturier.
194. Expression de G. Couturier, obs. sous Cass. soc., 5 octobre 1999, Dr. soc. 1999, p. 1113.
195. Cass. soc., 5 octobre 1999, n° 97-41838, JCP G 1999, act., p. 1965 ; également A. Teyssier,
« L'obligation de reclassement dans le groupe », JCP E 2000, n° 41, p. 1608, note 41.
196. CA Versailles, 21 février 2006, n° 04/04151, Légifrance : « le périmètre de l'obligation de
reclassement n'est pas limité aux entreprises qui ont une activité similaire à la société sur laquelle pèse
l'obligation de reclassement, ce périmètre étant déterminé par la possibilité d'une permutation de tout ou
partie du personnel même si elle doit s'apprécier notamment en fonction des activités des entreprises
concernées ». Elle en déduit que « la seule circonstance que la société évolue principalement sur le marché agricole et accessoirement sur le marché industriel n'apparaît pas en l'état des éléments produits
suffisant pour exclure une possible permutabilité du personnel ou d'une partie de celui-ci ».
197. Q. Urban, « Le licenciement pour motif économique et le groupe », Dr. soc. 1993, p. 276.
198. Cass. soc., 27 octobre 1998, n° 96-40629, Bull. civ. V, n° 459.
199. Cass. soc., 14 novembre 2001, n° 99-43916, Légifrance.

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