Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 210

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LA NOTION DE GROUPE D'ENTREPRISES EN DROIT DU TRAVAIL

nel interchangeable316. La difficulté consiste alors à distinguer les simples relations
commerciales des relations qui traduisent l'expression d'un groupe317. En l'absence
de clause contractuelle ou de mobilité effective, les juges du fond examineraient-ils les
possibilités de permutation du personnel entre des entreprises liées contractuellement,
en considération de leurs activités, de leur organisation ou encore de leur lieu d'exploitation ? Ces questions ont toutes pour point d'ancrage l'absence de définition légale et
prétorienne du groupe en matière de reclassement.
541. En conclusion, en mettant l'accent sur les relations qu'entretient le système
juridique avec son environnement, et plus spécifiquement avec l'ordre économique,
l'étude de la genèse de la notion de groupe a permis de mettre en évidence la source
des difficultés générées par le phénomène des groupes. Organisé autour de l'autonomie juridique de la personne morale, le groupe repose sur l'association paradoxale de
l'un et du multiple. Attaché au principe de l'autonomie juridique de la personne
morale, le droit positif s'est initialement montré incapable de rendre compte de l'unité
du groupe, celui-ci se décomposant en une pluralité d'entités juridiquement autonomes isolées les unes des autres. Plus particulièrement, en droit du travail, le maintien du principe de concordance entre l'entreprise et sa structure juridique d'accueil
conduisait au même résultat, l'aménagement des notions d'entreprise et d'employeur
demeurant insuffisant. Expression d'une adaptation du système juridique aux évolutions de son environnement, évolutions que les notions juridiques existantes se révèlent
incapables de traduire et d'encadrer, l'introduction de la notion de groupe ne doit rien
au hasard. Elle est le fruit d'une histoire, d'intenses débats juridiques et de choix
méthodologiques qui lui impriment sa physionomie générale. Favorisée par un
contexte juridique propice, la consécration de la notion juridique de groupe repose sur
la prise en compte des relations inter-entreprises, et plus spécifiquement sur des relations de détention en capital et de contrôle sociétaire.
542. Allant à l'encontre de l'idéal d'ordre et de simplicité véhiculé par la représentation hiérarchique du système juridique, l'absence de conception unitaire de la
notion de groupe heurte la sensibilité du juriste. Mais, façonnée par le système juridique, la notion de groupe en porte la « marque de fabrique ». À l'instar de nombreuses notions juridiques, la notion de groupe se distingue par sa polysémie qui
serait, selon Gérard Cornu, une de traits linguistiques essentiels du vocabulaire juridique318. Le choix d'une construction ponctuelle et parcellaire d'un droit des groupes
a en effet favorisé le développement d'une approche du groupe propre à chaque
branche du droit. La notion de groupe suivrait le mouvement général de spécialisation des branches du droit319. L'affirmation de la notion de groupe en droit du travail au cours de ces vingt dernières années précise davantage encore l'image d'une
notion miroir d'un système juridique déterminé. En effet, l'étude des conditions
316. Lamy Social Groupes, Etude 224-13 ; Cass. soc., 23 mai 1995, n° 94-41250, Légifrance (à
propos de l'exploitation d'une gare routière par plusieurs sociétés et associations).
317. CA Paris, 10 avril 1996, CERIT, Univ. Nancy 2. Il ne suffit pas de relever que deux sociétés
partenaires commerciaux aient rémunéré en commun une secrétaire de direction, pour conclure à la
formation d'un groupe. « Il n'est pas établi qu'il y ait eu une unité économique entre elles, ni que l'une ou
l'autre d'entre elles ait été la filiale de l'autre (...) Les liens qui unissent les deux sociétés sont d'ordre
purement personnel, et ont trait au fait qu'elles sont toutes deux dirigées par une même personne physique
qui les considère comme ses sociétés ».
318. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 7e éd., 2005, préface, p. XI. Dans son ouvrage
Le langage juridique, Gérard Cornu identifie la « notion polysémique à chevauchement » lorsque les
divers sens d'un terme se rapportent globalement à une même réalité, sans en découper les facettes
distinctes et complémentaires, de telle sorte que les divers sens de la notion ne se recoupent que partiellement. Tel semble bien être le cas pour la notion de groupe.
319. Ch. Hannoun, Les groupes de sociétés et le droit, op. préc.

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