Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 222

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LA NOTION DE GROUPE D'ENTREPRISES EN DROIT DU TRAVAIL

563. Dans l'esprit du législateur allemand, l'intérêt du groupe s'identifie totalement à celui de l'entreprise dominante27. Le risque de l'activité économique globale du
groupe est entièrement reporté sur celle-ci. Le régime juridique applicable au groupe
de droit s'apparente alors aux relations entre une entreprise et ses établissements ou
ses succursales. Le groupe de droit constitué entre une entreprise dominante et des
entreprises dominées est assimilé à une seule et unique entreprise, l'entreprise dominante. Dans cette hypothèse, le tout se réduit bien à ses parties, et plus précisément à
l'une d'entre elles. En responsabilisant l'entreprise dominante pour l'ensemble du
groupe, l'objectif du législateur allemand est de protéger les intérêts de la société
dépendante ainsi que ceux de ses actionnaires minoritaires, de ses créanciers et de son
personnel, mais au prix de la négation des avantages inhérents à cette forme d'organisation. Car, en contrepartie de son pouvoir d'injonction, l'entreprise dominante est
tenue de respecter un certain nombre d'obligations. Ainsi, et à titre d'exemple, non
seulement la loi limite le montant des bénéfices de la société dépendante pouvant faire
l'objet d'un transfert28 mais elle impose également à l'entreprise dominante la constitution de réserves dont elle fixe le montant. Si ces réserves s'avèrent insuffisantes,
l'entreprise dominante a l'obligation, pendant toute la durée du contrat, de compenser les dettes de l'entreprise dominée 29. Cette obligation concerne toutes les pertes,
quelle que soit leur origine. La preuve par l'entreprise dominante de l'absence de lien
de causalité entre son intervention et les pertes rencontrées par l'entreprise dominée
ne saurait la libérer de son obligation. L'obligation pour l'entreprise dominante de
compenser les pertes de l'entreprise dominée reporte intégralement le risque économique sur l'entreprise détentrice du pouvoir de décision économique.
564. Les contraintes inhérentes à ce régime juridique expliquent le peu de succès
rencontré dans la pratique. En occultant la finalité économique de cette forme d'organisation, la législation relative au groupe de droit courait à l'échec et, les grands perdants des imperfections de ce dispositif législatif sont finalement les titulaires des
intérêts que le législateur voulait justement protéger. Plus généralement, l'exemple du
groupe de droit allemand illustre parfaitement les inconvénients d'une représentation
simplifiante du groupe. La protection juridique des intérêts qui peuvent potentiellement être lésés par le fonctionnement des groupes ne peut faire l'économie d'une
réflexion sur la conceptualisation du groupe comme phénomène complexe. Ce n'est
qu'en dépassant le « paradigme de simplicité » que des propositions de solution tenant
compte à la fois de la finalité économique du groupe et de la protection d'autres intérêts également légitimes, pourront émerger.
565. En droit positif français, le « paradigme de simplicité » s'exprime différemment, mais aboutit de la même manière à occulter l'unité organisationnelle du groupe.

2. En droit français
566. Le groupe n'apparaît pas comme une unité à part entière entrant en relation avec ses membres, mais comme la somme des relations qu'une entreprise dominante entretient avec chacune des entreprises placées sous sa domination. La définition légale de l'article L.2331-1 du Code du travail30 relative à la mise en place d'un
comité de groupe est de ce point de vue exemplaire. Le groupe est défini par référence à la nature des relations qui unissent une entreprise dominante à des entreprises qu'elle contrôle ou sur lesquelles elle exerce une influence dominante. La rela27. L. Dabin, Ibid., p. 114.
28. § 301 de l'AktG.
29. § 302 de l'AktG.
30. Ancien article L.439-1, II du Code du travail.

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