Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 249

La découverte de l'unité complexe

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627. La question de l'admission d'un administrateur provisoire du groupe et des
titulaires de la demande de nomination se posait dans les mêmes termes que pour celle
de l'expertise de groupe. La solution apportée par la jurisprudence commerciale est
pourtant différente. La nomination d'un administrateur provisoire s'impose à titre
exceptionnel lorsque le fonctionnement normal de la société n'est plus assuré et que
ses intérêts sont mis en péril, en raison de la défaillance de ses organes sociaux. Par un
arrêt du 5 février 1985, la Cour de cassation admet la désignation d'un administrateur
provisoire de groupe à la demande d'un actionnaire minoritaire de la société mère. Les
circonstances particulières de l'espèce214 ne permettent toutefois pas, en l'état actuel
du droit positif, de généraliser la solution à l'ensemble des actionnaires minoritaires
d'une société d'un groupe215. Christine Lhussier216 explique à ce sujet que l'origine
commune du dysfonctionnement commun justifie l'extension de la mission de l'administrateur provisoire car le rétablissement de l'une des sociétés dépend de celui des
autres sociétés, c'est-à-dire du groupe dans son ensemble. Elle en conclut que seul
l'actionnaire d'une société remplissant les conditions de désignation d'un administrateur provisoire, serait recevable à demander la désignation d'un administrateur provisoire de groupe dont la mission s'étendrait aux autres sociétés du groupe rencontrant
le même dysfonctionnement.
628. Si la reconnaissance d'un administrateur provisoire de groupe témoigne
d'une prise de position plus audacieuse que celle du droit positif applicable à l'expertise de gestion antérieurement à la loi du 15 mai 2001, la Chambre criminelle va
plus loin encore en admettant l'exercice d'une action sociale en responsabilité de
second degré. Sur le fondement de l'article  225-252 du Code de commerce, des
actionnaires minoritaires peuvent agir en réparation du préjudice subi par leur
société217 en raison d'actes commis au sein de ses filiales218. La rupture qui se crée
entre la position restrictive de la Chambre commerciale en matière d'expertise de
gestion et la position audacieuse de la Chambre criminelle en matière d'action
sociale en responsabilité, est un facteur d'incohérence juridique. L'actionnaire minoritaire d'une société mère peut agir en réparation du préjudice causé à la société
pour des actes anormaux passés au sein de filiales alors qu'il ne peut pas au préalable demander la désignation d'un expert de gestion chargé d'examiner les conditions de réalisation de ces mêmes opérations219. La consécration légale de l'expertise
214. Comme le président de la société mère jouait en même temps le rôle d'animateur du groupe,
sa condamnation pour abus de biens sociaux entraîne la carence des organes sociaux de chacune des
sociétés du groupe.
215. C. Armand et A. Viandier, « Réflexions sur l'exercice de l'action sociale dans le groupe de
sociétés : transparence des personnalités et opacité des responsabilités ? », Rev. soc. 1986, p. 559. En
l'espèce, la Cour d'appel avait relevé que le groupe se caractérisait par une « unité économique et une
communauté d'intérêts indissociables ».
216. C. Lhussier, Le rôle de l'intérêt du groupe de sociétés dans le droit positif des groupes, op. cit.,
p. 179.
217. Depuis un revirement de jurisprudence par deux arrêts du 13 décembre 2000 (n° 99-80387,
Bull. crim., n° 373 ; JCP E, 2001, p. 1138, note J.H. Robert), la Chambre criminelle considère qu'il
n'existe pas de lien direct entre l'abus de biens sociaux et le préjudice subi par un actionnaire de la
société. L'actionnaire minoritaire d'une société holding ne peut donc plus se constituer partie civile
pour l'abus de biens sociaux commis au sein d'une filiale en vue d'obtenir la réparation de son préjudice personnel. Ces arrêts mettent fin à sa jurisprudence antérieure (notamment : Cass.  crim.,
6 février 1996, n° 95-84041, Bull. crim., n° 60 ; Dr. Pén. 1996, n° 195.).
218. Il peut notamment s'agir d'actes d'abus de biens sociaux commis dans les filiales. Cass. crim.,
4 avril 2001, n° 00-80406 ; JCP E 2001, p. 1817, note J.H. Robert ; Cass. crim., 2 avril 2003, n° 02-82674,
Bull. crim., n° 83, p. 326 ; D. 2003, p. 1504 ; Bull. Joly 2003, § 194, p. 929, note J.F. Barbieri.
219. C.  Lhussier, Le rôle de l'intérêt du groupe de sociétés dans le droit positif des groupes,
op. cit., p. 181.

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