Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 264

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LA NOTION DE GROUPE D'ENTREPRISES EN DROIT DU TRAVAIL

celles parties à l'acte juridique litigieux ? La position adoptée semble se situer à michemin. Sont ainsi visées non seulement les sociétés directement parties à l'acte litigieux mais encore celles qui sont liées par le même type d'actes dans le groupe, ou
encore celles qui participent à la réalisation d'une même opération complexe dans
laquelle s'insère l'acte litigieux passé. Pour apprécier la valeur de la contrepartie, les
juges peuvent en effet être amenés à « comparer les contreparties dont bénéficient les
sociétés pour des avances ou des prestations de même type. Si des conditions différentes
sont pratiquées, celles-ci peuvent révéler la volonté des dirigeants du groupe de favoriser
certaines sociétés au détriment des autres »304. Ensuite, compte tenu de la multiplicité
des relations intra-groupes et de la complexité de certaines opérations, il n'est pas
exclu qu'« un concours accordé par une filiale à une autre filiale du groupe puisse recevoir une contrepartie, non pas de cette dernière, mais de la société mère »305, ce qui
confirmerait l'approche globale du groupe.
665. À l'exigence de contrepartie ou d'équilibre entre les entités membres du
groupe, s'ajoute l'exigence de proportionnalité entre l'engagement de l'entité concernée et ses possibilités financières.

b) La proportionnalité de l'engagement avec les possibilités financières
de l'entité membre
666. Le concours financier apporté par l'entité membre du groupe doit être proportionné à ses capacités financières. S'il met en péril sa santé financière, voire même
sa survie économique, il constitue un abus de biens sociaux en raison du risque excessif qu'il fait courir à l'entité membre. « L'incrimination d'abus de biens sociaux qui
protège l'intérêt social de la société mise en danger retrouve logiquement son empire »306.
Le concours financier est ici apprécié au regard des forces contributives de la société.
« Toutes les opérations et les formes de concours sont a priori possibles, seules leur
mesure, ou plutôt leur démesure, les disqualifie pour prétendre à l'application du fait
justificatif de groupe »307. Ont ainsi été considérés comme des concours financiers
dépassant les possibilités financières de la société, le concours financier précipitant la
mise en liquidation judiciaire de la société308, celui réalisé au détriment de l'activité de
la société309 ou encore le concours financier dont le montant est disproportionné par
rapport aux fonds propres de la société310. En revanche, si la société est bénéficiaire et
que le concours financier n'affecte pas sa trésorerie, les avances peuvent être considérées comme licites311. En principe, la proportionnalité des engagements pris par l'entreprise au regard de ses capacités financières s'apprécie au moment de l'opération,
indépendamment de ses conséquences favorables ou néfastes.
667. En assortissant le concours financier de conditions visant à protéger l'entité
membre et en appréciant la licéité de ce concours au regard de la situation globale du
groupe, la jurisprudence reconnaît l'unité économique du groupe, lui garantit la
304. C. Lhussier, Le rôle de l'intérêt du groupe de sociétés dans le droit positif des groupes, op. cit., p. 81.
305. M.-E. Boursier, « Le fait justificatif de groupe dans l'abus de biens sociaux : entre efficacité
et clandestinité. Analyse de vingt ans de jurisprudence criminelle », article précité, n° 95.
306. Ibid., n° 98.
307. Ibid., n° 103.
308. Cass. crim., 18 janvier 1993, n° 92-80153
309. Cass. crim., 25 janvier 2006, n° 05-83863, inédit. En l'espèce, le concours financier avait
conduit la société à réduire considérablement ses coûts, ce qui s'était notamment traduit par des licenciements de personnel, et à renoncer à un projet conditionnant l'avenir de l'entreprise.
310. CA Paris, 6 février 1995, Dr. soc. 1995, p. 17, n° 53. En l'espèce, la garantie souscrite correspondait à 43 % des fonds propres de la société garante.
311. Tb. corr. Lyon, 20 juin 1985, précité.

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