Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 281

La spécificité de l'unité complexe du groupe

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collaboration, de conseil, de contrôle ou d'influence..., l'essentiel étant que les relations entre les acteurs sont premières tandis que les caractéristiques ou attributs individuels n'occupent qu'une place secondaire dans la définition du réseau. Il existe donc
plusieurs formes de réseau dont la structure d'ensemble est variable selon la nature et
l'intensité des relations identifiées. Dans cette perspective, et selon une approche plus
extensive, le réseau ne désigne pas seulement une forme d'organisation des entreprises
spécifique reposant exclusivement sur des relations contractuelles. Selon François Ost
et Michel van de Kerchove, il existe des variétés différentes de réseaux, plus ou moins
proches de « l'ordre linéaire et hiérarchisé » ou du « désordre absolu ». « C'est ainsi
que, sans nécessairement tomber dans la « contradiction », on peut parfaitement concevoir l'existence de « réseaux hiérarchisés » ou de « réseaux fermés » »82. Gunther Teubner ne dit pas autre chose lorsqu'à propos du groupe d'entreprises, il considère que
« sa structure hiérarchique n'est nullement réfractaire à la conceptualité du réseau »83 et
l'identifie à un « réseau-organisation » par opposition au « réseau-marché », la composante organisationnelle étant plus forte pour le groupe que pour d'autres formes de
réseaux reposant davantage encore sur l'échange contractuel.
711. L'unité organisationnelle complexe du groupe présente les traits d'un
« réseau hiérarchisé », construit autour d'une relation de pouvoir spécifique unissant
chacun de ses membres. Ce pouvoir de nature relationnelle84 n'est pas contradictoire
avec la conception même du réseau. Au sein d'un réseau, les relations entre les membres
ne sont pas nécessairement égalitaires et peuvent consister en des relations asymétriques de pouvoir. Il n'est pas rare en effet d'identifier un personnage central chargé
de coordonner l'ensemble de l'action des entités membres du réseau. Le réseau privilégie alors une conception relationnelle du pouvoir. Autrement dit, le pouvoir d'un
membre du réseau sur les autres n'a de sens qu'au regard du réseau dans lequel il est
lui-même intégré. « Tout individu, fût-il le plus puissant, même le chef de la tribu, le
monarque absolu ou le dictateur, n'est qu'une partie du tout ; il représente une fonction
qui ne se définit et ne se perpétue que dans le rapport avec d'autres fonctions et ne peut
se comprendre que dans le contexte de la structure particulière et des tensions propres à
cet ensemble »85. Il convient encore de souligner que le pouvoir réticulaire repose sur
une relative autonomie des entités membres du réseau86. Il s'agit d'une « autonomie
contrôlée ». « Pour que le réseau se distingue du marché et d'une organisation hiérarchisée, il est nécessaire qu'il combine l'autonomie avec une certaine dépendance et une permanente interaction entre les entreprises qui l'intègrent »87. Or, le pouvoir du groupe
s'exerce sur l'ensemble des entités membres, y compris sur l'agent juridique titulaire
du pouvoir chargé de coordonner l'action de l'ensemble des membres. Il s'agit d'une
contrainte systémique : « l'acteur n'existe pas en dehors du système qui définit la liberté
qui est la sienne et la rationalité qu'il peut utiliser dans son action »88. Ce pouvoir ne
prive pas les entités membres de toute autonomie, même si le degré d'autonomie peut
varier d'une entité membre à l'autre en fonction de leur position et de leur influence
dans le groupe89.
82. Ibid.
83. G. Teubner, Le droit, un système autopoïétique, op. préc. p. 229.
84. sur la dimension relationnelle du pouvoir : E. Friedberg, Le pouvoir et la règle, Paris, Seuil, 1993.
85. E. Elias, La société des individus, coll. « Agora », Paris, 1991, p. 50.
86. M. M. Leitao Marques, « Du commerce international aux échanges intra-groupes et entre
membres d'associations de coopération. L'entreprise poly-locale et les réseaux », Revue Internationale
de Droit Economique 2003, p. 425.
87. Ibid.
88. M. Crozier E. Friedberg, L'acteur et le système, op. préc. p. 11.
89. Il est évident que l'entreprise dominante ou qui exerce le contrôle bénéficiera d'une autonomie
plus grande que les autres entreprises du groupe, compte tenu de sa position centrale dans le groupe.

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