Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 361

Les effets normatifs au regard de la responsabilité de l'emploi

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ou l'application du statut collectif. Là où le contrat de travail ne lie que l'employeur
juridique et le salarié, la prise en compte des relations inter-sociétés peut permettre de
rechercher à qui est imputable tel ou tel fait pour dégager une responsabilité éventuelle
à la charge d'une personne qui n'est pas l'employeur »77.
892. Or, en l'état actuel du droit positif, l'employeur demeure l'unique pôle d'imputation de responsabilité, y compris lorsque le champ d'application des obligations
en matière d'emploi s'étend à tout ou partie du groupe78. L'extension du champ d'application des obligations patronales de l'entreprise au groupe associée à la responsabilité du seul employeur pose avec acuité la question du décalage entre le pouvoir et la
responsabilité de l'employeur dans le groupe en matière d'emploi (1), décalage que les
mécanismes juridiques existant ne parviennent qu'imparfaitement à enrayer (2).

1.	Le décalage persistant entre le pouvoir et la responsabilité : un obstacle
à l'effectivité de la règle de droit en matière d'emploi dans le groupe
893.  L'approche systémique précédemment développée a permis de mettre en
évidence comment, à partir de la relation d'interdépendance existant entre le groupe
et chacune de ses entités membres, le groupe s'affirme comme un acteur des relations
économiques et sociales. Dépourvu de personnalité juridique, le groupe n'en constitue
pas moins un acteur collectif doté d'une capacité collective d'action qui repose sur la
coordination finalisée de l'action de chacun de ses membres. Chacune des entités
membres contribue à la réalisation de l'ensemble. Or, l'action collective du groupe ne
produit pas seulement ses effets sur les entités membres mais également sur la relation
d'emploi des salariés. La mise en œuvre de décisions prises pour l'ensemble du groupe
peut en effet contribuer à la réalisation d'un dommage en termes d'emploi pour les
salariés. Et, comme cette action collective est le résultat de l'action combinée et multiple de chacune des entités membres du groupe, celles-ci ont bien contribué, au moins
en partie, à la réalisation du dommage causé au salarié.
894. Dans cette perspective, l'employeur est responsable à un double titre. Partie à
la relation contractuelle de travail, il demeure le débiteur des obligations mises à sa
charge en sa qualité d'employeur. Lui seul a le pouvoir de mettre fin à la relation contractuelle du travail ; il est de ce fait l'auteur direct du dommage résultant pour le salarié de
la perte de son emploi. En même temps, en sa qualité de membre du groupe, ses décisions s'intègrent dans un dessein stratégique global, cause originelle du dommage, et qui
ne peut se réaliser sans la participation active de l'employeur. L'approche du groupe en
termes d'organisation complexe invite alors à un double niveau d'analyse des décisions
de l'employeur et de leurs effets. En raison de cette double implication de l'employeur
dans la réalisation du préjudice causé au salarié, l'employeur ne peut se prévaloir de
l'existence d'un groupe pour échapper à ses obligations patronales. Bien plus, la consécration du groupe comme cadre d'application des règles de droit en matière d'emploi
conduit à renforcer le contenu des obligations supportées par l'employeur.
895.  Déjà, les directives européennes relatives au licenciement collectif79 et au
transfert d'entreprise80 disposent que les obligations de consultation, d'information et
77. M.-L. Morin, « Les frontières de l'entreprise et la responsabilité de l'emploi », article précité, p. 479.
78. M.-L.  Morin, « Le droit du travail face aux nouvelles formes d'organisation des entreprises », Revue Internationale du Travail 2005, n° 1, p. 5.
79. Dir. 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des
Etats membres relatives aux licenciements collectifs, JO no L225 du 12 août 1998, p. 0016-0021.
80. Dir. 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations
des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises,
d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements.

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