Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 370

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LA NOTION DE GROUPE D'ENTREPRISES EN DROIT DU TRAVAIL

916. L'article 1384 du Code civil constitue le fondement textuel légal de la responsabilité délictuelle du fait d'autrui. « Le texte ne fait aucunement référence à la
faute, il vise expressément le fait matériel dommageable causé par l'activité de l'homme
et/ou par les personnes et les choses sur lesquelles il exerce un pouvoir de contrôle et de
direction »124. Il existe en droit positif quatre régimes de responsabilité du fait d'autrui
fondés sur la théorie du risque, à savoir : la responsabilité de la personne morale du
fait de ses représentants statutaires, la responsabilité contractuelle du fait d'autrui, la
responsabilité du commettant du fait de son préposé (article 1384, alinéa 5, du Code
civil)125 et le régime général du fait d'autrui consacré par l'arrêt Blieck126. Depuis cet
arrêt, la Cour de cassation reconnaît que la responsabilité du fait d'autrui peut être
engagée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1 du Code civil, en dehors des cas
particuliers prévus par la loi127.
917. Sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1 du Code civil, Catherine Del
Cont propose d'articuler la responsabilité du fait de la dépendance économique sur
un mécanisme fondé sur le risque. En d'autres termes, pour ce qui est du risque de
l'emploi, l'employeur demeure responsable mais n'est plus le seul point d'imputation de responsabilité : la responsabilité de l'agent juridique titulaire du pouvoir
dans le groupe peut également être recherchée sur le fondement de la responsabilité
du fait de la dépendance économique. Catherine Del Cont pose plusieurs conditions
à l'engagement de la responsabilité de l'agent économique dominant : l'identification d'une situation de dépendance économique, d'un risque générateur de responsabilité et d'un lien de causalité entre le dommage subi et la dépendance économique. La responsabilité découlant de la dépendance économique n'a donc pas un
caractère automatique. Tous les dommages ne sont pas nécessairement imputables à
l'agent économique dominant, ce qui permet d'adapter le régime de responsabilité
aux situations d'autonomie contrôlée dans lesquelles l'employeur dispose d'une
autonomie de décision relative. L'identification d'un risque, fait générateur de responsabilité peut s'entendre d'une diminution des actifs sociaux, de la baisse de
valeur de titres consécutifs à l'application de la politique sociale ou à des actes de
gestion décidés par les actionnaires contrôlaires. S'il existe une pluralité de causes
juridiques dans la réalisation du dommage, seule « l'absence de lien de causalité entre
le dommage et l'activité organisée et contrôlée par le titulaire de la maîtrise (...) justifie l'exonération totale de responsabilité »128.
918. La mise en œuvre pratique de ce régime de responsabilité pose le problème de
la preuve du lien de causalité entre le dommage et la situation de dépendance. Ce problème peut être lié d'une part à une difficulté d'accès à l'information et d'autre part au
fait que le dommage résulte souvent de la combinaison d'une pluralité d'événements et
n'a pas de cause unique identifiable. C'est la raison pour laquelle l'auteur propose
d'aménager le régime probatoire du lien de causalité par l'instauration de présomptions de causalité conduisant à un allégement de la charge de la preuve en faveur de la
victime et, corrélativement, par un renforcement des pouvoirs inquisitoires du juge (ex.
demande sous astreinte de tout document nécessaire à la détermination du lien causal).
124. C. Del Cont, op. cit., p. 266.
125. L'application de la responsabilité du commettant du fait du préposé au groupe de sociétés
est une piste de réflexion avancée par Antoine Lyon-Caen. A. Lyon-Caen, Débats MM Lyon-Caen et
Mazeaud, Mme Mazars sur le thème « Modifications et rupture du contrat de travail : faut-il sortir du
périmètre de l'entreprise ? », BICC 1er oct. 2012, n° 768, p. 86.
126. Ass. plén., 29 mars 1991, n° 89-15231, Ass. plén. n° 1 ; D. 1991, jur., p. 324, note L. Larroumet ; JCP 1991, II, 21673, concl. M. Dontenwille et note J. Ghestin.
127. Cass. civ. 2e, 22 mai 1995 (2 arrêts), 3 février 2000, 20 novembre 2003, 21 octobre 2004.
128. C. Del Cont, op. cit., p. 310.

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