Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 71

Le groupe : une organisation Économique juridiquement difficile À saisir

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propositions doctrinales tendant à la personnification du groupe, la position de la
jurisprudence est constante sur ce point : le groupe est un « non sujet de droit »147. La
reconnaissance de la personnalité morale des groupements ne dépend pas uniquement
des critères jurisprudentiels objectifs dégagés par la Cour de cassation dans son arrêt
du 28 janvier 1954. Le besoin en autonomie juridique ainsi que l'existence d'une organisation légale plus ou moins contraignante du groupement en question, semblent
également tenir une place importante dans la décision des juges. C'est la raison pour
laquelle certains auteurs considèrent que « la reconnaissance de la personnalité morale
obéit (...) plus à des contingences factuelles et à l'opportunité qu'à un raisonnement
rigoureux »148. L'absence de reconnaissance juridique du groupe comme personne
morale sui generis conduit à s'interroger sur la possibilité de traduire juridiquement le
groupe au moyen de notions juridiques connues et de le soumettre au régime juridique
correspondant à sa qualification juridique.

§ 2. L'absence de notion juridique adéquate
136. Le droit du travail s'est construit en référence à un modèle unitaire qui
repose sur la concordance entre les notions d'employeur et d'entreprise par l'intermédiaire de sa structure juridique d'accueil. Une des voies envisagées pour la
traduction juridique du groupe est de qualifier le groupe de société ou de société
créée de fait. Ainsi qualifié, le groupe peut être considéré, par l'intermédiaire de la
société jouant le rôle de structure juridique d'accueil de l'entreprise, à la fois
comme l'employeur et l'entreprise en droit du travail. Recomposé, le modèle unitaire de référence du droit du travail peut à nouveau se déployer. Mais, qu'il
s'agisse de la société (A) ou de la société créée de fait (B), aucune de ces catégories
juridiques ne convient.

A. L'inadéquation de la notion juridique
de société
137. Considérer le groupe comme une « super-société » composée de plusieurs
entités juridiquement distinctes présente l'avantage de se référer à une notion juridique connue dont l'organisation et le régime juridique sont précisément fixés par le
législateur. De plus, la qualification juridique de société permettrait de reconnaître au
groupe la personnalité morale. Cependant, en l'état actuel du droit positif et malgré
l'intérêt que cette qualification pouvait représenter en droit du travail (1), le groupe
n'est pas une société (2).

1.	L'intérêt de la qualification de société en droit du travail
138. Comme l'entreprise est dépourvue de personnalité juridique, c'est sa structure juridique d'accueil qui lui permet d'accéder à la vie juridique. Si la structure
d'accueil de l'entreprise est la forme sociétaire, l'entreprise et la société se correspondent point par point. Dans cette perspective, admettre que le groupe soit juridiquement qualifié de société, rend possible une assimilation du groupe à l'entreprise,
sans remise en cause de la concordance entre l'entreprise et sa structure juridique
d'accueil sur laquelle le droit du travail repose en partie.
147. Expression de J. Carbonnier, « Sur les traces du non-sujet de droit », in Archives de Philosophie du Droit. Le sujet de droit, t. XXXIV, 1989, p. 197.
148. J.-P. Chazal, note sous Cass. com., 2 avr. 1996, n° 94-16380, JCP G 1997, II, 22803, p. 125.

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