Bibliothèque de droit social - Tome 61 - La notion de groupe d'entreprises en droit du travail - 88

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LA NOTION DE GROUPE D'ENTREPRISES EN DROIT DU TRAVAIL

et sociale se justifiant ici par l'atteinte causée au droit de la représentation collective
des salariés, exercé à ce niveau.
187.  Toutes ces dispositions visent à renforcer le statut collectif des salariés.
L'unité économique et sociale devient une technique d'organisation des relations collectives de travail qui se généralise par application du régime juridique de l'entreprise.
Elle s'affirme par la même occasion comme l'entreprise au sens du droit du travail.
188. L'abandon par la Cour de cassation, malgré quelques hésitations48, d'une
approche relative et fonctionnelle49 a également été interprété par certains auteurs
comme la volonté affichée de faire de l'unité économique et sociale l'entreprise au
sens du droit du travail. Par un arrêt du 13 juillet 2004, la Cour de cassation admet
en effet que « la notion d'UES n'est pas relative » et en conclut que « sa reconnaissance par le juge selon des critères propres indépendants de la finalité des institutions
représentatives comprises dans son périmètre, même si elle modifie nécessairement la
configuration des institutions existantes, n'implique pas du juge une appréciation de
l'opportunité de la demande présentée par un syndicat représentatif »50. Désormais, le
périmètre de l'unité économique et sociale est déterminé suivant une appréciation
objective des critères et identique quelle que soit l'institution représentative. Le juge
n'a pas à se prononcer sur l'opportunité de la reconnaissance d'une unité économique et sociale ou de son périmètre, mais doit seulement la constater si les critères
de sa définition sont réunis. L'unité économique et sociale reconnue pour la mise en
place d'une institution représentative du personnel entraîne alors automatiquement
l'adaptation de la configuration des autres institutions représentatives existantes à
l'unité économique et sociale51.
189.  Ainsi objectivée, l'unité économique et sociale rendrait compte pour une
partie de la doctrine d'une réalité préexistante, celle d'une entreprise unique52. Ainsi
Pour Gérard Couturier, « s'affirme [...] l'idée première selon laquelle la reconnaissance d'une unité économique et sociale exprime la réalité d'une entreprise unique au
regard du droit du travail, réalité dont il y a lieu de tirer toutes les conséquences »53.
Pierre Sargos ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme que la Chambre sociale s'est
48. Un début d'évolution est perceptible dans un arrêt du 5 mai 1988 (Cass. soc., 5 mai 1988,
n° 87-60215 ; Cass. soc., 7 oct. 1998, n° 97-60491) par lequel la Cour de cassation décide de l'identité
des critères de l'unité économique « quelle que soit l'institution représentative à mettre en place ». Tout
en rappelant régulièrement ce principe, la Cour de cassation s'engage toutefois dans un « fonctionnalisme hésitant » (expression de G. Borenfreund, D. 1994, somm. p. 296). La Cour de cassation continue
en effet à affirmer que la reconnaissance de l'unité économique et sociale pour la mise en place d'une
institution représentative du personnel ne vaut pas nécessairement pour l'ensemble des autres institutions représentatives. (Cass. soc., 21 nov. 1990, n° 90-60046 ; Cass. soc., 21 oct. 1995, n° 94-60584).
Puis, la Cour de cassation a affirmé plus vigoureusement que « quelles que soient les institutions représentatives les critères de l'unité économique et sociale sont les mêmes » (Cass.  soc., 1er déc.  1998,
n° 97-60.492 -  2e espèce  -, RJS 1/99, n° 65).
49. Pendant longtemps, la Cour de cassation a admis que « les diverses institutions représentatives du personnel ayant chacune leur finalité propre, les critères à retenir pour déterminer le cadre le plus
approprié au bon fonctionnement de chacune d'elles sont de ce fait différentes » (Cass. soc., 6 nov. 1985,
n° 84-60751, Bull. civ. V, n° 510 ; Cass. soc., 7 juin 1984, n° 83-60927 et 83-6092). L'unité économique
et sociale se présentait alors comme une « notion à géométrie variable » (expression empruntée à
M. Lenoir, « Entreprises et unité économique et sociale », Dr. Ouvr. 1986, p. 165).
50. Cass. soc., 13 juill. 2004, n° 03-60412 et n° 03-60413.
51. Cass. soc., 26 mai 2004, n° 01-60935, Sem. soc. Lamy, n° 1174, p. 10. L'adaptation des autres
institutions représentatives du personnel se fait sans attendre l'expiration des mandats en cours.
52. P. Lanquetin, Liberté d'organisation syndicale dans l'entreprise, Thèse Strasbourg III, 1979.
53. G.  Couturier, « L'unité économique et sociale  - trente ans après », Sem. soc.  Lamy
20 oct. 2003, n° 1140, p. 58.

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