Contextes - Histoire des manuels de droit - 296

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APPRoCHeS ComPARAtiSteS et PeRSPeCtiVeS

V - RAISONS DE LA MARGINALITÉ
DE LA PROCÉDURE : LA PROCÉDURE
COMME « PRATIQUE » - « FAIBLESSE »
DE RÈGLES DE PROCÉDURE
on peut s'interroger sur les raisons de cette marginalité de la procédure
civile si clairement reflétée par l'organisation de l'enseignement universitaire et la littérature juridique piémontaise ; ces raisons, semble-t-il, peuvent
être réunies dans un seul concept : celui de l'extranéité de la procédure civile
à la science juridique au sens strict.
De nombreuses sources confirment en effet, de manière univoque, qu'au
moins jusqu'à la fin de la première moitié du XiXe siècle, la procédure civile
n'était considérée en Piémont ni comme une science ni même comme une
partie du droit, mais uniquement comme une pratique : un ensemble d'opérations manuelles de faible importance dont l'apprentissage se fait « sur le
terrain », au palais, sans nécessité d'y consacrer aucune étude théorique
préalable. or cette perception de la procédure trouve ses racines dans la
discipline même du procès civil, définie avec continuité depuis plusieurs
siècles dans la législation judiciaire de la maison de Savoie.
Cette législation abandonne en effet une partie notable de la réglementation du procès, aux « styles » et « usages des tribunaux », autrement dit
à des sources d'origine et de nature assimilables à la coutume, issues de
l'interaction quotidienne entre juges, procureurs, avocats, notaires, greffiers
et huissiers, formant ainsi un ensemble de règles d'origine spontanée et non
étatique, toujours en évolution. De plus, les prescriptions de la législation
royale elles-mêmes tracent, à plusieurs endroits, le cadre d'une procédure
libérée le plus possible de toutes formalités ; ainsi lorsqu'elle dispose que
les juges ne doivent pas, de leur propre initiative, « avoir égard dans les
expéditions des causes, aux nullités qui procèdent du défaut de solemnités,
lesquelles pourroient se trouver dans les actes par rapport à la tissure du
procès »35, ou encore qu'ils doivent juger la plupart des affaires sommairement, c'est-à-dire « sans formalité de procédure »36.
Dans ce cadre légal, caractérisé à la fois par le rôle dévolu aux sources
d'origine coutumière, et par la faveur de la législation pour une procédure
dépouillée au maximum de toutes formalités, la discipline du procès civil
en arrive le plus souvent à ressembler à une sorte de canevas proposé par
le législateur au juge et aux parties, pour une conduite bien ordonnée de
l'affaire, plutôt que comme un système de règles formelles rigoureuses et
35. Leggi, e Costituzioni di Sua Maestà - Loix et Constitutions de Sa Majesté, torino,
nella Stamperia Reale, 1770, Livre iii, tit. XXiii, par.2.
36. Ibidem, tit. ii, par. 15.
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