Contextes - Histoire des manuels de droit - 320

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APPRoCHeS ComPARAtiSteS et PeRSPeCtiVeS

même l'invention de l'imprimerie1, mais d'autant plus facilement ensuite2,
les illustrations, qui se répartissent, non sans recroisements et gradations,
entre deux grands pôles, l'un plutôt « technique »3 et l'autre résolument
« artistique »4, ont fait plus d'une fois bon ménage avec la pédagogie du
droit. Je ne considèrerai ici que des images du second type, et plus particulièrement, à l'époque hypercontemporaine, des ouvrages qui privilégient
un couplage systématique des expressions textuelles et graphiques. C'est
en effet dans ce cas de figure(s) que l'image, sans jamais prétendre se
substituer à l'écrit, ni chercher exclusivement à distraire (c'est-à-dire à
détourner l'attention du texte), entend au contraire instituer avec lui un
dialogue propre à faire émerger un supplément de sens. mais seule l'histoire
au long cours des illustrés juridiques permet de remettre en perspective
− et, par suite, de considérablement relativiser − l'étrange proscription
dont les images ont fait l'objet, aux XiXe et XXe siècles, dans les manuels
juridiques. en sorte que si l'iconophobie est devenue à cette époque, pour
des raisons conjoncturelles sur lesquelles on ne saurait s'étendre ici, l'une
de leurs principales caractéristiques, il ne faut pas s'imaginer qu'il existe des
incompatibilités épistémologiques radicales et éternelles entre le discours
juridique et ce que j'appelle les jurisgraphismes.
en revanche, il est sans doute possible de corréler l'exclusion des images
du discours juridique « sérieux » avec leur spécialisation quasi compensatoire dans l'expression d'un antijuridisme notoire. Car les jurisgraphismes
n'avaient pas disparu, mais, abandonnés de fait aux non-juristes, ils se sont
alors cantonnés dans le registre satirique. Ainsi, à la fin du XiXe siècle,
certains éditeurs lancèrent-ils, en guise de plaisant contrepoint à ces Codes
commentés qui saturaient le marché de la pédagogie du droit, le microgenre humoristique des Codes illustrés. Généralement conçues comme
autant de vecteurs de réflexivité et d'utile distanciation professionnelles, ces
éditions de luxe attirèrent parfois complaisamment les illustrés juridiques
vers les livres du second rayon. en tout cas, jusque dans les années 1960,
1. Voir par exemple, pour les manuscrits enluminés du Décret de Gratien, J.-C.Schmitt,
« Le miroir du canoniste : les images et le texte dans un manuscrit médiéval », Annales ESC,
eHeSS, nov.-déc. 1993, n° 6, p. 1471-1495.
2. Voir Y.-B. Brissaud, « Pistes pour une histoire de l'édition juridique française sous
l'Ancien Régime », Histoire et civilisation du livre - revue internationale, n° 1 (« Production
et usages de l'écrit juridique en France du moyen Âge à nos jours »), J.-D. mellot (dir.),
Droz, 2005 p. 33-136.
3. Principalement, les arbores legales, les schémas géométriques et les tabulae
mnémotechniques.
4. Voir les planches qui accompagnaient la Praxis criminalis de Jean de mille en 1541
et la Praxis rerum criminalium de Joos de Damhouder en 1551, ou encore, en 1549, les
vignettes de l'édition Senneton du Corpus iuris ciuilis (décrite par V. Hayaert dans sa thèse
Mens emblematica et humanisme juridique, Genève, Droz, 2008).

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