Contextes - Histoire des manuels de droit - 52

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ÉLABoRAtion, DiFFuSion, RÉCePtion DeS mAnueLS

limites de telle contribution d'un confrère ou d'un collègue. Pour peu que
la liberté de ton soit encouragée par un directeur de revue, ou son comité
scientifique, et que l'auteur de la recension goûte assez la critique acérée et
le verbe aiguisé, le compte-rendu revêt alors les atours d'un exposé franc
et direct, parfois violent, du moins brutal.
Parmi les plumes du XiXe siècle longtemps redoutées, attaquées
jusqu'après leur mort et, pour cette même raison, âprement défendues au
nom du souvenir laissé par leurs auteurs, celle de Du Caurroy a durablement
marqué les esprits. Éminent romaniste de la Faculté de droit de Paris, reçu
docteur en droit en 1811 et auteur des Institutes de Justinien nouvellement
traduites en 1813, à l'âge de 25 ans, Du Caurroy participe à la fondation de
la Thémis et y gagne une réputation d'« âme batailleuse »2 que confirmeront
les recensions d'ouvrages rédigées par ses soins, quelques années plus tard,
dans les pages de la Wolowski. Batailleur... le mot fleure bon l'euphémisme
sous la plume de Gabriel Demante, sorti de sa réserve en 1894, quarantequatre ans après la mort de Du Caurroy, pour laver l'honneur de l'ami de
son père face au souvenir entretenu par un ouvrage recensé quelques mois
plus tôt par Charmont3, réduisant le romaniste parisien au mot méchant de
Dupin aîné - lui-même peu avare de sentences abruptes - qui l'avait qualifié,
au début de la Restauration, de « petit zoïle », à raison d'un compte-rendu
peu amène publié dans la Thémis au sujet du dernier ouvrage du doyen
rennais toullier4. Sous la monarchie de Juillet, Du Caurroy n'avait pas
manqué, alors, de publier un article assassin sur les prétentions juridiques
et pédagogiques de Dupin, moquant en particulier l'indigence de son
Manuel des étudiants en droit5 tandis que le même numéro de la Revue de
législation et de jurisprudence publiait un compte-rendu de moulin sur le
même ouvrage rapportant les propos d'un professeur de l'École de droit
de Paris fustigeant les manuels6 de Dupin comme autant de « compilations
mal digérées, écrites en courant, incomplètes, semées d'erreurs qui peuvent
donner aux étudiants, auxquels paraissent s'adresser plus particulièrement
ces petits traités, de fausses notions, et qui n'ont même pas le mérite d'être
au niveau de la science »7. et, comme si la charge ne suffisait pas, d'ajouter
2. Le mot est de Gabriel Demante, cf. infra.
3. A.-P. eon, Un ancien doyen. Toullier et son temps, Paris, Chevalier, maresq et Cie, 1893.
Le compte-rendu de l'ouvrage figure dans la Revue critique de législation et de jurisprudence, 1893, p. 616-620. Revue signalée RCLJ dans les notes suivantes.
4. G. Demante, « Dupin aîné et Ducaurroy. Lettre à m. le directeur de la Revue critique
de législation et de jurisprudence », RCLJ, 1894, t. 23, n° 12, p. 55.
5. A.-m. du Caurroy, « Lettre à m. Dupin par m. Ducaurroy », RLJ, 1835/10-1836/03,
t. 3, p. 450.
6. en italique dans le texte.
7. L. H. moulin, « examen d'ouvrages. manuel des étudiants en droit et des jeunes
avocats, par m. Dupin (1er article par m. moulin, docteur en droit, avocat) », ibid., p. 60-61.
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