Contextes - Histoire des manuels de droit - 78

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ÉLABoRAtion, DiFFuSion, RÉCePtion DeS mAnueLS

consistant à bien distinguer la jurisprudence de la coutume62. La coutume,
comme toute règle de droit, n'échappe pas à l'emprise de l'État. D'un côté,
il estime « difficile » d'admettre l'existence de coutume paeter legum (en
cas de lacune de la loi, le juge peut prendre en compte ces pratiques mais
c'est lui alors qui les fait accéder à la vie juridique et c'est de lui qu'elles
tireront leur force obligatoire) et impossible celle de coutumes contra legem
(car « l'esprit du droit français... donne la priorité à la loi écrite »63). D'un
autre côté, l'opinio necessitatis doit se comprendre comme la croyance à
une sanction par le droit de l'État, par ses tribunaux, ce qui interdit de voir
dans les règles du droit canonique ou les pratiques ouvrières, analysées par
m. Leroy, de véritables coutumes. Au fond, la place de la coutume est fixée
par l'autorité de l'État.
Deuxièmement, les principes de l'interprétation arriment la loi à la
volonté du Législateur64. en cas d'obscurité de la loi, il y a lieu à interprétation « déclarative ». Lorsque sa rédaction indique un sens déterminé mais
n'exprime pas « exactement » la pensée du Législateur, il y a lieu à interprétation extensive ou restrictive, laquelle n'est « légitime » que si elle se
cantonne à rechercher la véritable pensée du Législateur « sans s'attaquer »
à elle65. trois procédés peuvent être mobilisés. Le premier - le plus « sûr » -
consiste à rapprocher le texte à interpréter des autres dispositions légales
relatives à la matière ou à une matière analogue. Le deuxième repose sur
la recherche de la ratio legis à partir des travaux préparatoires66 ou du
droit antérieur67. Le troisième, auquel il ne faut recourir qu'avec « une
grande réserve », suppose l'appréciation des conséquences que produirait
l'interprétation proposée. or la 5e édition reproduit sans modification ces
principes. Plus surprenant : la 6e édition du t. i par Bartin, en 1936, à un
moment où la question de l'interprétation est au cœur de la réflexion d'une
bonne partie de la doctrine, n'apporte rien de nouveau. il faut attendre la
7e édition par esmein pour voir s'insinuer la libre recherche scientifique
62. 7e éd., § 5 bis.
63. Les thèses de Lebrun ou Lévy-Bruhl ne sont que « point de vue de sociologue ou de
philosophe, non de technicien du droit ».
64. § 494 : « on ne s'est pas assez pénétré de l'idée que l'office du juge n'est pas de corriger
la loi, mais de l'appliquer ».
65. Cf. les § 39 et 40 de la 4e éd. Cet ancrage dans la volonté du Législateur est sous-estimé
dans le compte-rendu de la 2e édition du Cours (Rev. critique de lég. et de jurisprudence,
1846, t. 3, p. 374) qui loue les auteurs pour leur « relevé exact et complet de la jurisprudence »
et pour avoir compris « que la science du droit... ne saurait admettre pour la formule législative un sens invariablement fixé au moment de sa promulgation ».
66. ex. de renvoi à la volonté des codificateurs : § 447, § 494 (il est « généralement reconnu
que les rédacteurs du Code n'ont pu avoir l'intention... »), § 499...
67. ex : § 499 (interprétation des dispositions relatives au régime de la communauté
« d'après le droit coutumier »).
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