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DROIT DES PERSONNES
qu'elle a été pratiquée en France - et continue en partie de l'être -, a donc produit
ce qu'il est convenu d'appeler des embryons surnuméraires qui, s'ils ne sont pas
immédiatement implantés, sont congelés dans de l'azote liquide, cette congélation
pouvant en principe durer indéfiniment. Certes, ayant pris conscience des difficultés
suscitées par l'existence même de ces entités, le législateur, depuis 2011,
énonce que dans l'hypothèse où le couple aurait accepté que « soit tentée la fécondation
d'un nombre d'ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d'embryons
(...), ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite
de l'assistance médicale à la procréation, compte tenu du procédé mis en œuvre »
(CSP, art. L. 2141-3 al. 2). Il n'en reste pas moins que, sans que ce soit une fatalité
puisque d'autres choix législatifs ont pu être opérés ailleurs47
, en France des
embryons congelés existent et sont dans une situation fondamentalement différente
de celle des embryons-fœtus in utero. Ceux-ci suivent en principe une évolution
linéaire jusqu'à la naissance, à moins qu'ils ne meurent naturellement ou soient
détruits (par interruption de grossesse, volontaire ou médicale, par accident, voire
par coups et blessures volontairement donnés à la femme) ; le sort des autres est
arrêté, suspendu, jusqu'àce qu'intervienne à leur endroit une décision qui peut
être indéfiniment reportée. Pour employer un vocabulaire philosophique, ici suggestif,
les embryons congelés sont dans une situation de contingence, au sens où
il est possible qu'ils soient implantés ou non et où il est possible qu'ils soient
détruits ou non ; la transformation de l'embryon-fœtus in vivo en sujet de droit à
part entière peut elle aussi être soumise à des conditions (conditions biologiques,
non-survenance de décisions d'interruption de grossesse ou d'accidents) mais si ces
conditions sont remplies, l'embryon-fœtus accédera nécessairement à la vie juridique
comme sujet de droits. Les difficultés éthiques de cette temporalité suspendue
de l'embryon in vitro ont été soulignées avec force par le Comité consultatif
national d'éthique48
. Le fait que dans un cas il y ait grossesse - et donc un temps
compté - et dans un autre pas (ou alors, si, après implantation, mais l'embryon in
vitro devient alors un embryon in utero) et que cette différence soit déterminante a
bien été mis en lumière par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt
intéressant quand bien même il n'avait pas à trancher la question de la nature
■ 47. Une autre politique est concevable : voir la loi allemande sur la question, en date du 13 décembre
1990 (Embryonenschutzgesetz-EschG), § 1, 3-4-5. Et même en France, si l'article 9 de la loi du 29 juillet
1994 avait été respecté par les médecins, le problème des surnuméraires ne se serait pas posé :
« Les embryons existant à la date de promulgation de la présente loi et dont il a été vérifié qu'ils ne font
plus l'objet d'une demande parentale, qu'ils ne font pas l'objet d'une opposition à un accueil par un couple
tiers et qu'ils satisfont aux règles de sécurité sanitaire en vigueur au jour de leur transfert pourront être
confiés à un couple remplissant les conditions prévues à l'article L. 152-5.
Si leur accueil est impossible et si la durée de leur conservation est au moins égale à cinq ans, il est mis fin à
cette conservation ».
Adde sur la volonté actuelle de limiter les embryons conservés : « La mise en œuvre de l'assistance médicale
à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons
conservés. L'Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et
des résultats obtenus » (CSP, art. 2141-1 al. 4).
■ 48. CCNE, Avis nº 112, « Une réflexion éthique sur la recherche sur les cellules d'origine embryonnaire
humaine, et la recherche sur l'embryon humain in vitro » (21 octobre 2010).
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