Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme - 122

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L'OFFICE DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN DROIT DE L'URBANISME

que le principe de l'indépendance de la législation est strictement appliqué par le
juge administratif lorsqu'il juge la légalité d'un acte, au fond comme en référé.
241. Cependant, lorsqu'il s'agit d'apprécier la condition d'urgence, l'office
du juge des référés se dissocie de celui du juge du fond : la condition d'urgence est
une condition que seul le juge des référés peut apprécier. Cette dernière est appréciée de manière autonome. En effet, elle dispose d'une logique propre qui est distincte de celle de l'appréciation de la légalité d'un acte. Le juge des référés doit
effectuer une approche concrète de la situation, laissant de côté toute construction juridique abstraite : le juge des référés doit avoir, avant tout chose, une
approche pragmatique de la notion d'urgence. Dès lors, il peut paraître normal
que le juge des référés prenne en compte la circonstance que le pétitionnaire n'a
pas obtenu l'autorisation adéquate, comme celle prévue par la législation des
équipements funéraires, pour apprécier si l'urgence est caractérisée ou non dans
le cadre d'un recours en suspension dirigé contre une décision refusant ou retirant
un permis de construire.
242. Dans l'affaire « Sté Pompes funèbres Ferret », le juge des référés estime
dans son ordonnance que la circonstance que la société demanderesse ne soit pas
titulaire des autorisations de création et d'exploitation requises par l'article
L. 2223-40 du Code général des collectivités territoriales fait « obstacle en tout état
de cause au commencement des travaux et de l'exploitation de l'installation en exécution du contrat de délégation de service public qui la lie à la commune ». Cette
position est logique. Quel serait l'intérêt de procéder à la construction d'un bâtiment devant accueillir une activité, alors que l'autorisation nécessaire à son exploitation n'a pas été délivrée, et que le juge des référés qui a statué sur cette décision de
refus a rejeté la demande de la suspendre ? Si l'opération de construction devait se
réaliser, elle engendrerait des frais financiers et, faute de revenus, le pétitionnaire
s'endetterait. Ce dernier ne peut donc justifier raisonnablement d'aucune urgence à
ce que le crématorium soit réalisé à brève échéance. On peut ainsi penser que c'est
à juste titre que le juge des référés a estimé que la décision de retrait du permis de
construire ne pouvait être regardée comme portant une atteinte suffisamment grave
aux intérêts de la société pétitionnaire justifiant que, sans attendre le jugement au
fond, il soit ordonné la suspension de son exécution80.

§ 2. LA PRÉSOMPTION D'URGENCE EN MATIÈRE DE RÉFÉRÉ D'URBANISME,
UNE SPÉCIFICITÉ NOTABLE DU CONTENTIEUX DE L'URBANISME

243. Le principe selon lequel la charge de la preuve de l'urgence incombe au
requérant comporte des exceptions. Le juge des référés recherche de lui-même, et
donc au-delà des seuls arguments invoqués par le requérant, si l'urgence résulte de
l'objet et de la portée de la décision litigieuse. Ainsi, certaines décisions paraissent
en soi comme constitutives d'une situation d'urgence. Pour le professeur Cassia les
par un permis de construire. Voir : CE 13 décembre 2005, Cne de Cabriès, req. no 280329, Lebon,
tables 1024, Constr.-Urb., février 2006, pp. 29-30, comm.50, obs. Cornille ; RDi. 2006, p. 153, obs.
Soler-Couteaux.
80. Pour plus de développements sur cette affaire, voir : HACHEM (B), De l'autonomie de la
notion d'urgence en matière de référé au regard du principe de l'indépendance des législations, JCPA
no 18, 3 mai 2010, 2152.

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