Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme - 142

126

L'OFFICE DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN DROIT DE L'URBANISME

être retirée173. Par ailleurs, l'urgence à suspendre une décision de retrait d'un
permis de construire peut également être reconnue pour des considérations purement confortatives. Ainsi, il y aura urgence à effectuer des travaux sur un bâtiment inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques qui, par
ailleurs, « prend l'eau »174.
293.  Il est souvent invoqué par les requérants le risque de péremption du
permis de construire que serait susceptible d'entraîner le retrait de ce dernier. En
effet, il est soutenu que l'annulation du retrait aurait pour conséquence de
remettre rétroactivement en vigueur le permis retiré et que, dans la mesure où plus
de deux années se seraient écoulées entre la date d'effet du permis initial et la date
du jugement, le permis serait périmé dès sa remise en vigueur puisqu'aucun travail n'aurait pu être entrepris pendant l'instance175. Il y aurait alors urgence à
suspendre la décision de retrait. Pour autant, et d'une manière générale, le Conseil
d'État a toujours refusé de reconnaître l'existence d'une situation d'urgence à
suspendre la décision de retrait pour ce motif. Pour celui-ci, la décision de retrait
a pour effet d'interrompre, et non pas de suspendre le délai de péremption du
permis de construire176 jusqu'à la décision du juge statuant au fond sur la demande
d'annulation de ce retrait177, conformément aux dispositions de l'article R. 421-32
ancien du Code de l'urbanisme178. Invoquer une telle circonstance pour démontrer l'existence d'une situation d'urgence apparaît donc voué à l'échec.
294.  En dehors de l'hypothèse précédemment exposée, il semble apparaître
que le juge des référés reconnaisse plus facilement l'existence d'une situation d'urgence en matière de retrait de permis de construire qu'en matière de demande de
suspension des décisions de refus de délivrer une telle autorisation. Plusieurs considérations semblent expliquer cet état de la jurisprudence. D'une part, lorsque l'on
aborde la question du retrait d'une décision administrative créatrice de droit, celleci renvoie inévitablement à celle de la sécurité juridique. Un administré à qui on a
délivré une autorisation créatrice de droit, tel qu'un permis de construire, peut
légitimement penser que celle-ci est légale. Dès lors, s'il entreprend des travaux
avant l'expiration du délai de retrait, alors même qu'il pourrait lui être reproché
173. CE 14  octobre 2002, SARL Détroit, req. no  246583, AJDA 2002, p.  1456, concl.
D. CHAUVAUX ; Coll. terr.-intercomm., 2003, no 15, note T. Celerier ; BJDU 5/2002, p. 364. ; BJDU
5/2002, p. 364 ; RDi. 2003, p. 114, obs. Derepas.
174. Voir : CE 10 décembre 2004, Syndicat des copropriétaires du lac enchanté, req. no 269171,
BJDU, 2/2002, pp. 126-129, concl. F. DONNAT, obs. L. TOUVET.
175. Pour l'exposé de l'argumentation généralement invoquée par les requérants pour soutenir
que la péremption du permis initiale est une cause justifiant l'urgence à suspendre la décision de
retrait, voir : MAUGÜÉ (C), conclusions sur CE 30 juillet 2003, Min. de l'équipement, des transports,
du logement, du tourisme et de la mer C. Mme Thenault, req. no 255368, BJDU 6/2003, p. 412.
176. En d'autres termes, un nouveau délai de deux ans court à partir du moment où il est mis fin
au retrait, soit que celui-ci soit annulé par le juge, soit qu'il y soit spontanément mis fin par l'administration qui se serait rendu compte de l'illégalité de sa décision. Voir : CE 26 juillet 1978, Comité de
défense des sites de Trégastel, req. no 07381, Lebon p. 314.
177. CE 30 juillet 2003, Min. de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer
C. Mme Thenault, req. no 255368, BJDU 6/2003, p. 411, concl. Ch. Maugüé, obs. J.-C. B ; JCP A,
2003, no 1985, p. 1441, obs. R. Noguellou ; AJDA 2004 p. 47.
178. En effet, l'article applicable à l'époque des faits disposait dans son alinéa 4, que : « Le délai
de validité du permis de construire est suspendu, le cas échéant, pendant la durée du sursis à exécution
de la décision portant octroi dudit permis, ordonné par décision juridictionnelle ou administrative,
ainsi que, en cas d'annulation du permis de construire prononcée par jugement du tribunal administratif frappé d'appel, jusqu'à la décision rendue par le Conseil d'État. ».
Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme
