Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme - 256

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L'OFFICE DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN DROIT DE L'URBANISME

difficultés particulières : il s'agit là du premier des pouvoirs qui appartient normalement au juge des référés32. Pourtant, il est apparu que celui-ci était trop
limité. En effet, dès lors que le transfert de propriété avait eu lieu au profit de la
collectivité territoriale et que cette dernière s'était acquittée de la somme due, le
juge des référés ne pouvait plus prendre de mesures de suspension, et un non-lieu
devait être prononcé33. Dès lors, il s'est avéré nécessaire d'approfondir le pouvoir
du juge des référés dans cette matière et de lui offrir d'autres possibilités quant
aux effets à suspendre la décision préemption et de les moduler selon les cas.
572. C'est dans la décision « Sté Articol »34 que le Conseil d'État a décidé
d'approfondir le pouvoir du juge des référés lorsqu'à la suite d'une décision de
préemption, il y a eu transfert de propriété et paiement du prix par la collectivité
publique. Si à la date à laquelle il statue le transfert de propriété a déjà eu lieu, le
juge des référés a la possibilité de prendre des mesures de nature « à empêcher
cette collectivité de faire usage de certaines des prérogatives qui s'attachent au
droit de propriété de nature à éviter que l'usage ou la disposition qu'elle fera de ce
bien jusqu'à ce qu'il soit statué sur le litige au fond rende irréversible la décision
de préemption, sous réserve cependant qu'à cette date la collectivité n'en ait pas
déjà disposé - par exemple par la revente du bien à un tiers - de telle sorte que ces
mesures seraient également devenues sans objet ». Le juge des référés aura dès
lors la possibilité de moduler les effets de la suspension de la décision de préemption afin d'éviter le caractère irréversible du transfert de propriété, notamment la
revente du bien préempté, ou encore la réalisation de travaux qui modifient substantiellement ce dernier. Ainsi, une telle modulation des effets de la suspension
permet de revenir sans trop de difficultés sur la décision de préemption en cas
d'annulation par le juge du fond.
573. La reconnaissance d'un tel pouvoir de modulation a pour effet de limiter les pouvoirs de la collectivité titulaire du droit de préemption dans l'hypothèse
même où le transfert de propriété est intervenu et le prix acquitté. Comme le souligne le commissaire du gouvernement Devys, cette possibilité de modulation des
effets de la suspension fait obstacle à ce que la collectivité publique, devenue propriétaire du fait de l'exercice du droit de préemption, bénéficie de l'ensemble des
droits naturellement attachés à la qualité de propriétaire d'un bien35. Ainsi, elle ne
pourra ni revendre le bien préempté, ni engager les travaux visant à la réalisation
du projet d'intérêt général36. On peut penser que si malgré la suspension de ces
effets la collectivité publique revendait le bien, une telle vente serait entachée
d'une nullité d'ordre public, car elle violerait une décision juridictionnelle et le
juge judiciaire ne manquerait pas d'en tirer les conséquences37.
32. Voir par exemple une décision qui mentionne déjà cette possibilité sous l'ancien régime du
sursis à exécution : CE 4 févier 1994, M. Gallenmuller, req. no 139705, BJDU, mars 1994, p. 106, concl.
Fraticci.
33. Idem. Pour plus de développements sur ce point, voir la section 2 chapitre 1 du titre 1 de la
partie précédente consacrée à la notion de non-lieu.
34. CE 23 juin 2006, Sté Articol, req. no 289 549, BJDU, 5/2006, pp. 358-365, concl. C. Devys,
obs. J.-C. B. Voir également pour une autre illustration de cette jurisprudence : CE 18 juillet 2006,
Mme Bessac et autres, req. no 291569, BJDU, 5/2006, pp. 382-386, concl. J.-H. Stahl, obs. J.-C. B.
35. DEVYS (C), conclusions sur CE 23 juin 2006, Sté Articol, req. no 289 549, BJDU,
5/2006, p. 360.
36. Idem.
37. BONICHOT J-C, observations sous CE 18 juillet 2006, Mme Bessac et autres, req. no 291569,
BJDU, 5/2006, p. 386.

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