Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme - 317

L'AUTORITÉ DES MESURES DE RÉFÉRÉ

301

d'urbanisme initiale, elle ne peut en revanche prendre une décision identique à
celle qui a été suspendue. En agissant de la sorte, l'administration n'aurait eu pour
seul mobile que de tenir en échec la mesure de suspension et entache de la sorte la
nouvelle autorisation d'urbanisme de détournement de pouvoir194.
727. De même, a également été jugé comme entaché de détournement de pouvoir
un arrêté délivrant un nouveau permis de construire portant sur un projet substantiellement modifié en raison de la suspension du permis de construire initial « compte
tenu de l'extrême brièveté du délai qui a séparé le dépôt de la demande de l'autorisation accordée ». Pour le Conseil d'État, un tel arrêté n'a pu avoir d'autre objet que de
permettre la reprise des travaux interrompus par la décision de suspension195.
728. Enfin, le Conseil d'État a également reconnu que la modification d'un
document d'urbanisme peut être constitutive d'un détournement de pouvoir dans
le cadre de la procédure de révision. Il en va ainsi lorsque l'adaptation du document d'urbanisme a eu pour objet unique de permettre la réalisation d'un projet
dont le permis de construire a fait l'objet d'une décision de suspension. Pour le
Conseil d'État, cette modification a pour but de faire échec à l'ordonnance du
juge des référés196.
3. La remise en cause de la solidité de l'ouvrage objet de la mesure
de suspension comme « élément nouveau »
729.  Au-delà des hypothèses de l'élément « procédural nouveau » et de la
régularisation de l'autorisation d'urbanisme, il existe un troisième cas qui est
reconnu par la jurisprudence comme un « élément nouveau » : la remise en cause
de la solidité de l'ouvrage qui a fait l'objet de la mesure de suspension. Ce troisième cas « d'élément nouveau » a été reconnu par le Conseil d'État dans sa décision « Établissement public pour l'aménagement de la région de la défense »197.
Le bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, qui a fait l'objet d'une mesure de
suspension, a la possibilité de saisir le juge des référés sur le fondement de l'article
L.521-4 en vue d'être autorisé à exécuter certains travaux destinés à consolider
l'ouvrage et en assurer sa sécurité. On peut néanmoins penser que les travaux
devront strictement se limiter à la consolidation de l'ouvrage afin d'en préserver
194. CE 11 décembre 1991, Asso. Fouras Environnement Ecologie, req. no 125745, Lebon, Tables,
p. 686 et 1263.
195. CE 10 juillet 1996, Sté Le Saint-Alexis et Cne de Saint-Paul de la Réunion, req. no 139435,
Lebon, tables. 702-1223 ; RDP, 1996, p. 625. A noter que cette solution ne s'oppose pas à celle retenue
par le Conseil d'État dans sa décision « SCI Le rayon Vert ». En effet dans cette dernière dans laquelle
les modifications qu'entrainait la nouvelle décision étaient mineures. Dès lors l'administration était en
mesure d'instruire une nouvelle demande dans des délais extrêmement brefs.
196. CE 20 juillet 1997, asso comité de défense et de protection du site de Cordes, req. no 160007,
BJDU, 1997, no  6, p.  401, concl J-C.  Bonichot. En l'espèce il s'agissait d'une révision d'un POS
supprimant l'EBC et plaçant le terrain en zone constructible, alors que le sursis à exécution du permis
de construire avait été ordonné.
197. CE 21 décembre 2001, Etablissement public pour l'aménagement de la région de la défense,
req. no 232084 ; RDi., 2002, p. 273, obs. P. Soler-Couteaux. Dans cette décision le Conseil a estimé
« que si l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA
DEFENSE (EPAD) souhaite être autorisé, nonobstant la suspension décidée par le juge des référés du
tribunal administratif de Paris, à exécuter certains travaux, destinés à consolider l'ouvrage et à assurer
sa sécurité, les conclusions ayant cet objet qu'il présente ne sont pas recevables devant le juge de cassation ; qu'il appartient à l'établissement de saisir, comme il l'a d'ailleurs fait, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, conformément aux dispositions de l'article L. 521-4 précité, pour que soient
ordonnées toutes mesures modifiant la portée de la suspension décidée le 14 février 2001 ».
Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit de l'environnement et de l'urbanisme - L'office du juge des référés en droit de l'urbanisme
