Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 130

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Par malheur, au seuil de cette route, si largement ouverte, si unie, si séduisante, apparaît notre idée d'école que toute opération juridique doit rentrer dans
une catégorie, à caractère net, à conditions fixes, à effets prédéterminés. Faute de
textes précis, servant de guide obligé à l'interprétation, celle-ci a pu, en notre
matière, rechercher très librement le cadre le mieux adapté à la construction en
vue. Et M. Deslandres nous expose très largement106 les trois principales conceptions proposées, pour expliquer juridiquement l'assurance sur la vie au profit de
tiers : 1° la plus répandue, acceptée par la jurisprudence, qui y voit une stipulation
pour autrui, régie par l'art. 1121 C. civ. franç., et soumise aux exigences dont on
revêt l'application de ce texte ; 2° la théorie de la gestion d'affaires, transformation à peine déguisée de la précédente, mais de laquelle pourtant Labbé, qui l'a
développée avec le plus d'ampleur, a su tirer des déductions fort heureuses ;
3° enfin, une conception, présentée postérieurement par Thaller (D. P. 1888, 2,
1 à 4), qui, grâce à une application plus subtile de l'art. 1121, décompose l'opération en deux actes et envisage le contrat d'assurance, au profit de tiers, comme
obligeant seulement la Compagnie, envers l'assuré, à offrir, après le décès de celuici, l'indemnité d'assurance aux bénéficiaires.
Ces différentes manières de voir aboutissent, toutes trois, suivant les expressions mêmes de M. Deslandres107, à la construction d'un système rigoureusement juridique. Mais elles n'y parviennent, qu'en couchant l'opération, qu'il
s'agit d'apprécier, sur un lit de Procuste, qui en déforme ou en restreint, toujours
par quelques côtés, les développements naturels. Et, si chacune d'elles satisfait à
certains desiderata pratiques, chacune également en méconnaît d'autres108. Aussi
M. Deslandres, dominé par le souci du but positif à atteindre, paraît-il n'en préférer absolument aucune. Il n'en sacrifie pas davantage l'une ou l'autre, et conclut,
en définitive, à les appliquer toutes trois parallèlement, de façon à satisfaire, le
plus largement possible, les exigences de la vie, qu'il relève d'un sens si sûr, et qui
lui tiennent si justement à cœur109. Il y a là, assurément, une façon de faire fort
ingénieuse, qui peut sembler concilier heureusement les traditions de notre dogmatique avec la nécessité prépondérante de suivre, avant tout, les suggestions pratiques, issues de la fin intime des institutions.
Toutefois, il n'est pas bien sûr, qu'au moyen de cet expédient habile, on
échappe à l'inconvénient majeur des constructions systématiques. Car il arrivera
bien souvent que l'adaptation de constructions multiples, si nombreuses et si
variées qu'on les suppose, à une même situation juridique, reste impuissante à
engendrer toutes les solutions désirables110 - Et, d'autre part, cette conciliation
106. Op. cit., nos 54-80, p. 79-128.
107. Op. cit., p. 4, p. 74.
108. Voy., surtout, à cet égard, les développements de M. Deslandres, dans la section III du
chapitre I de la deuxième partie de son travail : Droits des bénéficiaires suivant ces théories diverses,
op. cit., nos 84-93, p. 131-147. - Adde : chap. ii, Assurance avec attribution du bénéfice au profit de
tiers indéterminés, nos 95-102, p. 151-173. Mais, sur ce dernier point, M. Deslandres a cru pouvoir
modifier les conclusions du système, basé sur la stipulation pour autrui : Du contrat d'assurance sur la
vie au profit de bénéficiaires indéterminés, dans Revue critique de législation et de jurisprudence, 1891,
nouv. sér. t. XX, p. 174-196.
109. Op. cit., passim, notamment n° 148, p. 262.
110. Voy. par exemple, comment M. Deslandres reste impuissant à faire échapper à l'art. 559
C. com. franc. l'indemnité d'assurance sur la vie, stipulée par un commerçant failli au profit de sa
femme, au moyen de la seule construction juridique, et comme il n'y parvient, en définitive, qu'en
s'appuyant sur la volonté du preneur d'assurance : op. cit., nos 125-126, p. 221-222.
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