Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 136

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

oubliée, l'abus des abstractions logiques a conduit les juristes romains eux-mêmes
à des résultats pratiques peu heureux, qui, nonobstant toute influence traditionnelle, doivent résolument détourner notre science moderne de suivre les mêmes
errements et de rester fidèle à une technique purement décevante.
Peu de mots vont me suffire pour expliquer l'essentiel de cette formule, un
peu complexe, dont l'enseignement se dégagera tout naturellement, à la suite.
77. Tout ordre juridique positif, quel qu'il soit, suppose, à sa base, l'opération
suivante : Parmi les faits innombrables de la vie sociale, l'on en distingue et met à
part quelques-uns, pour les revêtir d'une sanction efficace. C'est ainsi que, de rapports parement humains, on fait des rapports juridiques130.
Mais, dans quel esprit et suivant quelles influences s'opère cette sélection ?
Comment la jurisprudence, dont c'est la mission propre, caractérise-t-elle ces
situations privilégiées, qui obtiennent la protection publique, au moyen de la
reconnaissance juridique ? Tout, à cet égard, dépend de l'état des civilisations et
du génie des races.
En ce point, le droit romain s'est particulièrement distingué, par une extrême
réserve dans la consécration officielle des institutions131. Il a établi des limites fort
strictes à l'ordre juridique qu'il constituait132. Cela, par deux moyens principaux.
D'abord, par le formalisme, qui a si longtemps dominé la jurisprudence
romaine. Comme R. von Jhering l'a excellemment montré133, le formalisme romain,
envisagé dans son sens profond et dans son but ultime, n'était pas autre chose qu'un
instrument très puissant et savamment réglé, à l'effet de caractériser, au milieu du
chaos social, les institutions juridiques, de les distinguer les unes des autres, d'assurer à chacune ses effets propres, pour la plus grande précision du droit. Ces résultats
s'obtenaient par l'exigence de formalités minutieusement réglées, séparant les opérations juridiques au moyen de signes matériels, et répondant, chacune de son côté,
au but poursuivi. Bref, un système de catégories formelles, plus ou moins larges de
portée, mais toujours rigides de contours et de reliefs.
À défaut du formalisme, et du jour surtout où il céda le pas à des influences
moins symboliques et plus positives, on dut, pour compléter les cadres de l'organisation juridiques caractériser et discerner, par leurs éléments substantiels plutôt
que par leur forme, les institutions dont la reconnaissance s'imposait. C'est ainsi,
130. F. Regelsberger, Pandekten, § 13, I, i, t. I, 1893, p. 71-72. - E. Picard, Le droit pur, 1899.
§ CV, p. 221-224 - Comp. R. von Jhering, Der Zweck im Recht, t. I2, 1893, p. 89, p. 309. - Et, sur la
distinction du droit, de la morale, des usages de la vie : ibid., p. 331 ; t. II2, 1886, passim, notamment
p. 104 et sq. - R. Stammler, Wirtschaft und Recht, 1896, §§ 22-24, p. 125-135.
131. Voy. en ce qui concerne, du moins, le droit ancien : Ed. Cuq, Les Institutions juridiques des
Romains. L'Ancien Droit, 1881, p. 736-739. - Et comp. R. von Jhering, Geist des römischen Rechts,
4e éd., Zweiter Theil. Erste Abtheilung, 1880, § 26, p. 50-62 ; 3e éd, française de Meulenaere, § 30.
t. II, p. 49-61.
132. [Comp. H. Taine, Les origines de la France contemporaine, t. V. Le Régime moderne, vol. II,
éd. in-8, Paris, Hachette, 1894, p. 120-121 : « Dire le droit, imposer aux hommes des règles de conduite,
voilà en abrégé toute l'œuvre pratique du peuple romain ; écrire ce droit, formuler et coordonner ces
règles, voilà en abrégé toute son œuvre scientifique ; et, chez lui, au iiie, au ive, au ve siècle, dans la
décadence des autres études, la science du droit était encore en pleine pousse et vigueur »]
133. Geist des römischen Rechts, 4e édit., Zweiter Theil. Zweite Abtheilung, 1883, §§ 45-474,
p. 470-674 ; 3e éd. française de Meulenaere, §§ 50-57, t. III, p. 162-366. - Rappr. Ed. Cuq, op. cit.,
p. 719-720. - P.-F. Girard, Manuel élémentaire de droit romain, 2e éd., 1898, p. 422-423.
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