Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 160

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

soustraire au plus essentiel de la tâche. Et, si, dès à présent, je me sens condamné
à écourter, à supprimer même, parfois, quelques développements utiles à la pleine
illustration du système, du moins, voudrais-je tenter d'en relever nettement les
principaux traits, d'en dessiner d'une main ferme les lignes capitales, bref, de donner comme un aperçu topographique, aussi serré que possible, d'un vaste champ
d'investigations, dont je me réserve de parcourir moi-même quelques étapes, à
titre d'applications plus détaillées, en des travaux ultérieurs2.
84. Avant d'entamer ce modeste programme, je crois devoir - dussé-je ainsi
brûler mes vaisseaux, dès l'abord - émettre comme traduisant l'inspiration
générale de mes recherches, la déclaration suivante : il n'est pas à attendre de la
rénovation de méthode, qui me semble souhaitable, en notre science, une direction
inflexible et infaillible, dans le complexe enchevêtrement des problèmes juridiques.
Même, je reconnaîtrai, a priori, que les résultats, auxquels me condamne mon
point de départ, seront dépourvus des allures dogmatiques et de la rigidité quasi
mathématiques, qu'ont paru posséder les procédés traditionnels.
Aussi bien, n'est-ce pas là comme la conclusion nécessaire des résultats déjà
acquis par tous nos développements antérieurs ? Et ceux-ci n'ont-ils pas déterminé, par avance, le centre de gravité de notre étude positive ? - Puisque nous
avons constaté l'insuffisance irrémédiable, de la loi écrite, à fournir à l'interprète
toutes les solutions requises par la pratique, puisque la logique du droit, faute de
conceptions objectivement nécessaires [et pleinement adéquates aux réalités],
nous est apparue également impuissante à donner, d'une façon sûre, la clef des
problèmes de la vie sociale, nous sommes contraints, ce semble, de laisser un large
essor à l'activité individuelle de l'interprète, qui devra scruter lui-même les exigences de la nature des choses et les conditions de la vie, toutes les fois qu'il ne
sera point bridé par une injonction impérieuse (source de droit formelle), limitant
son appréciation, ou même l'écartant entièrement, parce qu'elle dicte obligatoirement à son jugement la décision à rendre3. - En somme, sous la réserve de ces
règles d'autorité qui le dominent, et devant lesquelles toute volonté individuelle
doit baisser pavillon, l'interprétation juridique nous apparaît maîtresse nécessaire
de ses décisions, n'étant assujettie, que par le but même de sa mission, à puiser ses
inspirations dans le grand fonds de justice et d'utilité sociale, qui alimente la vie
organique du droit.
Tel est le principe capital qui surgit à ce tournant de notre route.
Mais, ce principe semble se heurter, dès l'abord, à de vigoureuses objections,
contre lesquelles il le fait défendre, si nous voulons en pouvoir développer légitimement, et à coup sûr, tout le contenu.
Ces objections tiennent toutes au côté de la méthode juridique, et sont suggérées par cette observation élémentaire, que la grande latitude, octroyée à l'interprète, sera, en fait et quant à ses résultats positifs, une arme puissante aux mains
des juges, à qui incombent l'application et l'interprétation du droit, dans la sphère
concrète, par conséquent dans la vie réelle. - Or, d'une part, n'y a-t-il pas un
danger sérieux, pour la sécurité des intérêts et l'égalité de justice due à tous, à
reconnaître ouvertement l'autorité de l'appréciation individuelle, en des affaires,
2. [Sur la façon, dont ce projet, formé en 1899, a été réalisé depuis lors, voy., en tête du présent
volume, l'avertissement pour la deuxième édition (de cet ouvrage), initio].
3. Comp. Fr. Adickes, Zur Lehre von den Rechtsquellen, Cassel u Göttingen, 1872, p. 22-23.
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