Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 182

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Enfin, à côté de la loi écrite et de la coutume juridique, représentant deux
sources, actuellement vivantes, tirant leur force impérative de cette actualité
même, développement d'un ferment social qui se recrée et se renouvelle sans
cesse, il faut, je crois, indiquer encore, du moins hypothétiquement, et sous
réserve d'enquête plus sérieuse, la Tradition ou les Autorités, s'exprimant sous
une forme non catégorique, consistant surtout en précédents de jurisprudence
et opinions doctrinales, force essentiellement historique et psychologique, mais
tout de même nettement extérieure à l'interprète, et dont, en tant qu'il en résulte
une direction juridique précise, il y a lieu de se demander aussi, si elle ne doit pas
influer positivement sur l'interprétation, et à quelles conditions elle peut prétendre à la conduire2.
Ainsi donc, loi écrite, coutume, tradition ou autorités, voilà, dans leur ordre
hiérarchique, dessiné par les faits eux-mêmes, la série des sources formelles, dont
nous devrons estimer la puissance3.
Naturellement, c'est dans leur vie actuelle, que nous avons ici à envisager ces
sources. Et, comme elles ont, chacune suivant sa nature propre, une durée, à la
fois permanente et fragile, conservant leur vigueur bien au-delà du moment qui
les a vues naître, exposées en même temps à la perdre par des circonstances
variables, nous aurons à nous rendre compte de tout ce qui influe sur leur existence, en vue de fixer le moment de leur efficacité. - Or, à cet égard, il importera
de nous souvenir que le régime de la codification, sous lequel nous vivons, a, dans
la mesure où il s'est appliqué, fait table rase de la plupart des sources formelles
antérieures (loi du 30 ventôse an XII, art. 7 ; art. 1041 Proc. civ. ; loi du 15 septembre 1807, art. 2). Ce résultat s'impose invinciblement, à peine de nier le phénomène social de la codification, que je tiens, quant à moi, pour pleinement et
légitimement acquis en France (voy. ci-dessus, nos 53 et 90 initio). - Reste à
savoir seulement quelle influence précise doit lui être reconnue relativement aux
diverses sources. C'est un point, qui ne peut être élucidé que séparément pour
chacune d'elles (voy. ci-dessous, nos 94, 124, 141-142). Dès à présent, toutefois,
nous apercevons que, grâce à cette novation législative, les sources, qui vont se
présenter à notre examen, nous intéresseront surtout, dans le domaine défriché
par la codification, en tant que sources nouvelles, c'est-à-dire sous une forme
essentiellement moderne, qui nous en rendra la physionomie plus vivante, et nous
permettra de les mieux apprécier au sein des autres éléments sociaux, où nous les
verrons prendre place et remplir leur rôle.
2. [Il n'y a pas lieu de compter, parmi les sources de droit objectif, les actes juridiques. Voy., à cet
égard, des développements intéressants dans K. Hellwig, Lehrbuch des deutschen Zivilproceszrechts,
t. II, Leipzig, A. Deichert, 1907, § 89, Gesetz und rechtsgeschäftliche Bestimmung : p. 142-150.]
3. Pour une classification, plus scientifique, des sources, je ne puis mieux faire que de renvoyer à : O. Gierke, Deutsches Privatrecht, § 17, t. I, 1895, p. 125-127. Adde : p. 117. - [Voy.
aussi : N. M. Korkounov, Cours de théorie générale du droit, trad. Tchernoff, Paris, Giard et
Brière, 1903, § 51, p. 437-446 ; adde §§ 49-50, p. 427-437 et, pour l'évolution du système des sources
du droit en Russie, § 55, p. 474-477. - J. Charmont, Les sources du droit positij à l'époque actuelle,
dans Revue de métaphysique et de morale, 1906, t. XIV, p. 117-133. - J. Kohler, Lehrbuch des
bürgerlichen Rechts, Berlin, Heymann, t. I, 1904, p. 78-81 (§ 24, I-III). - Th. Sternberg, Einführung in die Rechtswissenschaft, 1. Methoden = und Quellenlehre (2 A.), Leipzig, Göschen, 1912,
rattachant l'origine de tout droit à l'Anerkennung (p. 21-23, § 2, n° 1), présente ensuite (p. 24-29,52,
§ 2) une bonne division des sources : droit coutumier, droit légal, droit des cas ou judiciaire ; il
signale que la théorie romano-continentale des sources est rationaliste, tandis que la théorie
romano-anglaise est empirique].
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