Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 236

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

travaillent elles-mêmes constamment sur ce tissu complexe de la vie sociale, sans
lequel la plupart de leurs dispositions resteraient incompréhensibles et vaines. Il
n'y a pas à s'étonner, par suite, que les textes légaux renvoient souvent à des
usages de ce genre (très improprement qualifiés coutumes), qui leur permettent
de fixer, par assimilation, les règles qu'ils entendent établir (par exemple dans
les art. 590, 591,593, 601, 608, 852, 1137, 1291 al. 2, 1403, 1880 C. civ. franç.)243.
Et, en dehors même de toute référence expresse, l'interprète est constamment
amené à recourir à ces habitudes et à ces mœurs244, pour mettre en œuvre la
pensée du législateur245. - Mais, en de pareilles applications, l'usage, qui ne tire
sa puissance que de son contact formel ou implicite avec la loi (ou, le cas échéant,
avec la coutume proprement dite), conserve, par ailleurs, le caractère d'un pur
élément de fait. En soi, il n'est pas plus qu'un fait social quelconque, parce qu'il
n'implique aucune coercition juridique246.
Il est plus difficile de préciser le rapport, à la coutume juridique, des usages
conventionnels, établis dans la pratique des affaires, surtout dans celle du commerce (Geschäftsgebrauch, Handelsgebrauch ou Usance, d'après la terminologie
allemande), et qui interviennent, à l'occasion des actes juridiques, pour interpréter ou compléter la volonté des parties. Nos lois y font de fréquentes allusions (Ex.
dans les art. 1135, 1159-1160, 1736, 1745, 1748, 1753-1754, 1757-1759, 1762,
1777, 1780 al. 3 (depuis loi 27 décembre 1890), C. civ. franç. - Cpr. loi du 13 juin
1866, concernant les usages commerciaux), que la plupart des auteurs français
n'hésitent pas à considérer comme de véritables renvois à la coutume. - La
chose pourtant est bien loin d'aller tonte seule. Mais, la question est trop complexe pour être utilement résolue à cette place. Je compte l'étudier, avec quelques
détails, un peu plus loin (voy. ci-dessous nos 130-133). Pour l'instant, je ne puis que
la réserver, en laissant seulement entendre, que ces usages conventionnels nous
montrent assez exactement la transition entre les mœurs ou habitudes de la vie
courante et la vraie coutume juridique.
243. Voy. aussi décrets du 10 août 1899, sur les conditions du travail dans les marchés publics,
art. 1-3°et 4°, et art. 3. [- L'art. 1 de la loi du 5 août 1908 complétant l'art. 11 de la loi du 1er août 1905,
vise la délimitation des régions, pouvant prétendre exclusivement aux appellations de provenance des
produits, et ajoute ; « Cette délimitation sera faite en prenant pour bases les usages locaux
constants ». - Comp., pour le droit allemand : F. Œrtmann, Rechtsordnung und Verkehrssitte, insbesondere nach Bürgerlichen Recht, Leipzig. A. Deichert, 1914, passim.]
244. [Voy. notamment : M. Segall, Das bürgerliche Recht und die Lebensgewohnheiten, dans
Archiv für bürgerliches Recht, 1908, t. 32, p. 410-457. - E. H. Perreau : 1° Du rôle de l'habitude dans
la formation du droit privé, dans Revue trimestrielle de droit civil, 1911, t. X, p. 229-316 ; - 2° Courtoisie, complaisance et usages non obligatoires devant la jurisprudence, dans Revue trim. de dr. civil, 1914,
t. XIII. p. 481-522.]
245. Entre mille exemples possibles j'en citerai un seul : Que faut-il entendre par signature, dans
les cas où la loi l'exige, notamment en matière de testament olographe (art. 970 C. civ. franç.) ? Cela
ne se peut préciser, qu'à l'aide des usages de la vie. Comp. Demolombe, t. XXI, nos 102-114. - Voy.
encore, pour les usages du commerce, en matière de lettres missives : J. Valéry, Des contrats par correspondance, 1896, nos 327-332, p. 297-301. Ces usages peuvent, d'ailleurs, avoir une véritable importance juridique, pour la preuve des contrats par correspondance. [- Adde, sur les usages de la vie : Fr.
Geny, Des droits sur les lettres missives, Paris. Sirey, 1911, t. I, p. 267, texte et note 2 (nos 103) ; p. 293294 (n° 113) ; t. II. p. 221 (n° 238) ; p. 253 (n° 246) : p. 268, texte et note 3 (n° 252) ; p. 291 (n° 265) ;
p. 406 (n° 318) ; p. 418-419 (n° 223) ; - sur les usages du commerce : ibid., t. II, p. 17 (n° 164) ;
p. 71-74, 75, 76 (n° 174) ; - et sur les usages internationaux : ibid., t. II, p. 368 (n° 299).]
246. (Sur la différence, entre les usages de la vie, ou mœurs, et la véritable coutume de droit, on
trouvera des développements intéressants, dans Ch. Lefebvre, Leçons sur l'histoire du droit matrimonial français, Paris, Larose, 1900-1908, passim.]
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