Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 282

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

règle contraire qu'elle établit (consuetudo abrogatoria), soit qu'elle vise simplement à l'effacer, par un non-usage formel de sa disposition (desuetudo). - Maintenir ici le principe, que la coutume vaut à l'égal de la loi, conduirait à décider,
qu'entre droit coutumier et droit écrit (hoc sensu), consacrant des règles opposées, la source la plus récente devrait, comme telle, nécessairement l'emporter ; et
que, de même qu'une loi postérieure fait échec à la coutume plus ancienne, qu'elle
contredit (ce que tout le monde admet), de même la coutume plus récente déroberait à la loi antérieure ou l'abrogerait par désuétude.
Cette solution ne laisse pas que de donner prise à une forte perplexité. Et, l'on
peut hésiter, aussi bien à l'abandonner tout à fait, qu'à la consacrer sans atténuation. - D'un côté, en effet, non seulement elle s'impose logiquement par pure
déduction du principe ; mais, de plus, elle paraît répondre à des nécessités de fait
incontestables, qui condamnent toute législation détruite par la force irrésistible de
l'usage488. - D'un autre côté, cependant, n'apparaît-il pas comme très dangereux,
pour la puissance suprême, qu'il importe de maintenir à la loi écrite, de faire prévaloir sur elle l'usage, qui s'est mis en révolte contre ses dispositions ? Et n'y auraitil pas, comme une sorte de contresens social, à laisser dominer, par la force inconsciente et inorganisée de la coutume, la puissance réfléchie et régulière de la loi489 ?
En pesant le pour et le contre de ces considérations, en sens inverse, on aboutira, sans doute, à penser, que la question, ici posée, ne peut être résolue, qu'en se
rapprochant des faits, surtout en mesurant de très près la valeur respective de la
loi et de la coutume, dans l'ensemble de l'organisation sociale, en face de laquelle
on est placé. - Ce qui, sous une autre forme, revient à dire, que des solutions
différentes pourront l'emporter, suivant l'état de la civilisation et suivant le stade
d'évolution politique où l'on se trouve.
Et, c'est ainsi, notamment, par des raisons de chronologie sociale, que, sans
vouloir les concilier d'une façon péremptoire, on peut, je crois, expliquer, en les rapportant à des époques différentes, les solutions, nettement contradictoires, qui ressortent des deux célèbres textes du droit romain, relatifs à la question proposée490.
126. Quoi qu'il en soit, l'antinomie de ces textes, considérés comme devant
constituer une théorie homogène dans la codification justinienne, qui les avait
tous deux recueillis, n'a pas peu contribué à compliquer le sujet, pour les jurisconsultes allemands491 ; d'autant, qu'il s'y joignait encore une disposition du droit
488. Voy. en des exemples, signalés par Beudant, Cours de droit civil français. Introduction, 1896,
n° 105, in fine, p. 112. - Adde : A. de Courcy, Questions de droit maritime, t. I, 1877, p. 20-22, sauf
les observations de Boistel, dans Revue générale du droit, t. III, 1879, p. 184-186. Cpr. ce dernier, ibid.,
p. 178-179
489. Cette considération a été nettement indiquée par P. Laband, Das Staatsrecht des deutschen
Reiches, § 57, III, initio, t. I2, 1888, p. 580, texte et note 1. - Cpr. F. Regelsberger, Pandekten, t. I,
1893, p. 104, in medio : « Es erweist sich hier die Ueberlegenheit der organisierten Macht über die
unorganisierte ».
490. Julien, fr. 32, § 1, D., De Legibus, I, 3. - Constantin, c, 2, C., Quæ sit longa consuetudo,
VIIÎ, 52 (53). - L'explication historique, que je donne de ces textes, en reconnaissant franchement
leur contradiction, paraît prévaloir en France, depuis qu'on s'est décidé à ne plus interpréter les textes
du Corpus juris comme ceux d'une codification moderne. Voyez notamment : Accarias, Précis de
droit romain, § 9, in fine, t. I4, 1886, p. 23, Cpr. p. 21. - P.-F. Girard, Manuel alimentaire de droit
romain, 2e éd., 1898, p. 49, texte et note 1 ; p. 69, texte et note 3.
491. J'envisage ici l'état de la question, antérieurement à l'élaboration du nouveau Code civil
allemand. J'examinerai, plus loin (§ VI, nos 135-137), le mouvement d'idées suscité nouvellement par
ce Code.
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