Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 50

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Mais, lorsqu'on entend celle-ci, comme le prescrit l'étymologie du mot2, d'un
simple diagnostic, d'une volonté (la volonté législative), exprimée en une formule
(texte légal), on ne peut méconnaître, si loin qu'on étende le champ de ce diagnostic, que certaines pratiques de la méthode courante l'excèdent incontestablement, en faisant appel à des idées, absolument indépendantes des textes, et supérieures aux formules légales.
21. À vrai dire, on constate déjà la présence nécessaire de semblables éléments dans ce que j'ai appelé l'interprétation proprement dite, dont j'essayais
d'esquisser la physionomie au précédent paragraphe. Sans revenir sur l'équité,
envisagée comme source subsidiaire du droit positif, que je signalais à l'instant
(n° 19), et en nous en tenant à la pure interprétation des textes législatifs, les lois
mêmes, qu'elle s'est tracées, telles que je les résumais plus haut (nos 14-16),
impliquent, pour sa mise en oeuvre et son fonctionnement pratique, la suprématie
de principes idéaux et autonomes, le plus souvent non écrits dans la loi, puisant,
en tout cas, leur force dans une source étrangère et plus haute.
Car, lorsqu'on nous dit, par exemple, que, pour apprécier la portée d'une
règle légale, pour savoir si elle doit céder devant la contradiction d'une autre loi,
pour déterminer si elle peut être étendue par la voie de l'analogie, ou si, au
contraire, la restriction du texte doit conduire à une exclusion de tout ce qui n'y
est pas compris, il est nécessaire d'être fixé sur le caractère normal ou exceptionnel
de cette règle, ne signifie-t-on pas que l'interprétation même de la volonté législative implique une incessante comparaison de la formule, qui l'exprime, à un idéal
de justice et de raison, placé en dehors de la loi, et pour lequel par conséquent
celle-ci ne peut constituer une source de connaissance ? - Et, vainement essaiet-on de s'illusionner, en présentant l'emploi, de ces principes supérieurs, de cette
équité objective, comme simple procédé d'interprétation de la volonté du législateur. C'est vraiment se jouer soi-même avec des mots. Car, si l'on veut être sincère,
on doit reconnaître que, non seulement il s'agit ici de circonstances extrinsèques
à la loi, mais que, le plus souvent, elles n'ont, avec la confection de celle-ci, aucun
rapport direct et démontrable. - Finalement donc, en les supposant présentes à
la pensée du législateur, on avoue la valeur absolue et impérieuse de certaines lois
supérieures, de ces « rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses »,
suivant la parole de Montesquieu3, et qui se révèlent au juriste en dehors de toute
source positive.
22. Mais, il y a plus. Et, nous allons voir ces principes supérieurs d'un droit
immanent jouer un rôle décisif dans les procédés d'élaboration de la matière juridique positive, qui constituent la sphère propre de l'activité créatrice de notre
jurisprudence. Ces procédés ont été étudiés avec une grande perspicacité, décrits
et expliqués avec une finesse et une subtilité parfois excessives, par les jurisconsultes allemands4, sous le nom de construction juridique (juristiche Construction)
2. Voy. É. Littré, Dictionnaire de la langue française, v° Interpréter. Etym., Paris, 1863, p. 136,
col. 3].
3. Esprit des lois, liv. I, chap. I, initio.
4. Voy. notamment : H. Thöl, Einleitung in das deutsche Privatrecht, 1851, §§ 56-57, p. 140-143.
- R. von Jhering, Unsere Aufgabe, article programme de ses Jahrbücher für die Dogmatik des heutigen römischen and deutschen Prvatrechts, t. I, 1857. p. 8-21 et Geist des römischen Rechts, 4e édit., § 41,
zweiter Theil, t. 2 Abth, p. 357-389 ; 3e éd. de Meulenaere, § 46, t. III, p. 50-80. - B. Windscheid,
Lehrbuch des Pandektenrechts, § 24, sous ce titre : Wissenschaftliche Behandlung des Rechts, 7e édit.,
t. I, p. 59-60. - Fr. Eisele, dans Archiv für die civilistische Praxis, 1885-1886, t. LXIX, p. 317.
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