Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 58 - La compensation entre régimes de sécurité sociale - 84

LA COMPENSATION ENTRE RÉGIMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

fois : une première fois pour financer les retraites du moment et une seconde pour
se constituer une épargne individuelle ou collective.
- la seconde tient au fait que si techniquement de réelles différences
opposent la capitalisation à la répartition, ces différences s'estompent
considérablement d'un point de vue macroéconomique. Dans les deux cas,
il s'agit de financer des rentes grâce à une création de richesse issue directement ou indirectement du travail des actifs. La capitalisation n'est donc
pas hermétique à un choc démographique de grande ampleur. D'une part,
un accroissement de l'espérance de vie accroît le coût de la capitalisation
car, à durée de cotisation constante, il faut épargner plus pour bénéficier
d'une rente versée plus longtemps ; d'autre part, la baisse de la quantité de
main-d'œuvre peut rendre le stock de capital trop important et donc dégrader son rendement. Lorsqu'une génération d'actifs est importante, elle paie
cher les titres financiers parce qu'elle procède à des achats importants ; au
contraire, lorsqu'elle arrive à la retraite, elle vend ses titres à des actifs moins
nombreux qui les payent donc moins cher.
115. Toutefois, ce second argument, souvent invoqué par les partisans de
la répartition, s'estompe si l'on raisonne dans le cadre d'un marché mondialisé
en phase de croissance économique et démographique. La raison essentielle
du non retour à la capitalisation est donc liée au fait qu'il faudrait, pour certaines générations, cotiser deux fois. D'ailleurs, dans un système d'assurance
collective, la capitalisation et la répartition sont étroitement liées, la seconde
n'étant que le prolongement, souvent contraint, de la première. Autrement
dit, un système de retraite est construit sur le mode de la capitalisation, mais
sous le coup des chocs économiques, des guerres, mais également à cause de
tentations politiques, une fraction des cotisations est immédiatement reversée
aux retraités pour tenter de préserver ou d'améliorer le niveau des prestations.
Ce faisant, cette fraction des cotisations reversée augmente au fil du temps
pour devenir totale. Le système bascule alors dans la répartition intégrale.
Dans ce sens, la répartition s'inscrit dans la continuité d'une capitalisation qui
s'est consumée. Cependant, si la capitalisation est la phase 1 de la prévoyance
retraite et la répartition la phase 2 - celle qui semble, déjà, marquer un certain
recul économique -, aujourd'hui, plusieurs régimes de retraite explorent la
phase 3 : celle de l'ère post-répartition où les charges retraite sont reportées
sur les générations à venir, via le cumul de déficits chroniques, au risque de
leur « faire supporter une charge indue »102. Dans ces conditions, il est alors
bien difficile d'envisager un retour à la capitalisation, lorsque le maintien dans
une phase de répartition assainie et équilibrée apparaît déjà comme le défi des
années à venir.
Au début des années 1980, le Chili, sous l'impulsion dynamique du ministre
José Piňera103, a bien réussi à faire basculer intégralement son système de retraite
de la répartition à la capitalisation mais, à cette époque, ce pays entrait tout juste
dans l'ère industrielle, puis connaissait une croissance à deux chiffres.
102. Nicolas Marques, « 100 ans de retraites, de la capitalisation à l'endettement des générations
futures », Institut Molinari, 22 avril 2010 (http ://www.institutmolinari.org/100-ans-de-retraites-dela,919.html).
103. Voir José Piňera, Le taureau par les cornes, Institut Charles Coquelin, 2008, 136 pages.

Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 58 - La compensation entre régimes de sécurité sociale

Table des matières de la publication Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 58 - La compensation entre régimes de sécurité sociale