Droit et économie - Droit et économie de la propriété intellectuelle - 18

La propriété intellectuelle à l'heure de la mondialisation

contraire, et c'est ce que nous voulons ici démontrer : la coercition, sans contractualisation et socialisation, est insuffisante. Entre le relativisme de Montesquieu
et les fanfaronnades de Napoléon, c'est Jean-Jaques Rousseau qui a le mieux saisi
la fragile dynamique entre le droit, la culture et la puissance : « Le plus fort n'est
jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit
et l'obéissance en devoir. »3.
Ce chapitre explique le phénomène interétatique de transplantation juridique
par une combinaison de processus transnationaux. La première section présente
une typologie de cinq mécanismes, que la deuxième situe dans le contexte particulier du droit de la propriété intellectuelle (PI). Les sections suivantes comparent
leur pouvoir explicatif respectif, avant de conclure que c'est dans leur interaction
particulière que se trouve la clé essentielle d'explication.

Section I
Une

typologie Des transplantations jUriDiqUes

La transplantation juridique peut être définie comme l'intégration dans un
système juridique d'une règle provenant d'un autre système de même échelle
hiérarchique. Ce processus doit être distingué de la convergence juridique, au
cours de laquelle deux États orientent simultanément leur droit vers un point
commun, que ce soit de façon concertée, notamment pour la mise en œuvre un
traité, ou de façon parallèle, en réaction à des conditions similaires. La transplantation implique un transfert d'un État, dans lequel la règle est bien implantée,
vers un autre, où elle est endogène.
Les débats sur les transplantations juridiques se limitent trop souvent à des
discussions stériles sur la justesse de la métaphore chirurgicale. Alan Watson, qui
a forgé le concept, considère que les règles peuvent être facilement déplacées
puisqu'il « n'y pas de corrélation directe entre la société et le droit »4. Ce à quoi
Pierre Legrand, un de ses critiques les plus acerbes, répond que le droit est un
système social si cohésif, avec ses cultures, ses traditions, et ses institutions, que
les greffes sont systématiquement rejetées5. Entre ces deux extrêmes, il convient
de reconnaître que, si les règles sont interprétées et appliquées différemment
selon les systèmes, on ne peut par ailleurs nier qu'elles sont effectivement diffusées
et reproduites.
Alors que ce débat sur l'enracinement intéresse plusieurs spécialistes, rares sont
ceux qui tentent d'expliquer pourquoi et comment les règles migrent d'un
3. J.-J. Rousseau, Du contrat social, Livre premier, chapitre III.
4. A. Watson, Legal Transplants: An Approach to Comparative Law, London, University of Georgia Press,
1974, p. 108.
5. P. LeGrand, "What legal transplants?", in Adapting Legal Cultures, David Nelken & Johannes Feest
(eds), Oxford et Portland, Hart, 2001, p. 55-70.

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