Droit et économie - Droit et économie de la propriété intellectuelle - 57

La propriété intellectuelle au cœur de l'économie de l'immatériel

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En substance, du côté de la propriété littéraire et artistique, on a tendance à
considérer la relation auteur/exploitant/public. Ce sont d'ailleurs les catégories
d'intérêts visées par le Code de la propriété intellectuelle. Du côté de la propriété
industrielle, on va trouver l'inventeur ou le sélectionneur, les industries et les
consommateurs. Or, un nouvel acteur a fait irruption, qui est plus rarement
étudié dans la propriété intellectuelle : il s'agit de l'actionnaire.
L'actionnaire apparaît comme un acteur déterminant de la capacité d'innovation des entreprises innovantes, mais aussi de l'investissement des entreprises
culturelles, reléguant souvent le droit de la propriété intellectuelle au rang d'outil
de mise en œuvre de stratégies financières30. On est ainsi loin de l'idée de contrat
social entre l'inventeur (ou le créateur) et la société dont procède traditionnellement le droit des brevets, voire le droit d'auteur31. L'entremise de la finance
dans ces droits en change assurément la fonction. Le phénomène des « patent
trolls », la valeur boursière de certains actifs de propriété intellectuelle, font
d'ailleurs craindre à certains l'existence d'une bulle spéculative de la propriété
intellectuelle32...
Pour autant, le droit de la propriété intellectuelle dit-il intégrer cette dimension
financière et boursière ? Et si oui, comment ? Dans quel but ? Ou bien, est-ce
au droit des sociétés ou au droit des marchés financiers - droits qui concernent
au premier chef les actionnaires et les marchés financiers - qu'il revient d'intégrer
des dimensions relatives à la propriété intellectuelle, à l'instar des conséquences
environnementales et sociales de l'activité des sociétés cotées ? Faut-il mettre des
limites à la financiarisation des actifs de propriété intellectuelle des entreprises ?
Faut-il réguler celle-ci ? Existe-t-il une éthique de la propriété intellectuelle33, ou
plus simplement une prise de conscience de ses enjeux pour la société, pour
l'économie, pour la santé, la culture, l'alimentation, etc., qui justifieraient un
contrôle ou une régulation dans le domaine financier ?
Mais surtout, peut-on continuer de justifier les monopoles légaux, que sont
les droits de propriété intellectuelle, par le recours à l'idée de contrat social, de
promotion de l'innovation et de la culture, par l'idée de récompense attribuée
par la société au créateur, à l'inventeur, voire seulement d'incitation, peut-on
continuer à légitimer certains comportements (patent trolls par exemple) des
titulaires de droits par l'invocation du droit exclusif, sans s'intéresser (ou plutôt
sans prendre en considération) aux puissants ressorts financiers (aux logiques
financières) qui se situent en amont et en aval  ? Autrement dit, certains
dans un monde globalisé, Mélanges en l'honneur du professeur Joanna Schmidt-Szalewski, coll. du CEIPI, LexisNexis, 2013, p. 49 et s.
30. V. notamment, P. Corbel et Ch. Le Bas (dir.), Les nouvelles fonctions du brevet. Approches économiques
et managériales, Economica, 2012.
31. Il est vrai, qu'en France, c'est plus le fondement du droit naturel qui inspire à la doctrine dominante
la légitimité du droit d'auteur...
32. B. Sautier, « Développement des Non practicing entities, vers la création d'une bulle spéculative ? »,
Propriétés intellectuelles, juillet 2012, p. 306 et s.
33. En ce sens, J.-P. Gasnier, « Ethique et propriété intellectuelle », in Le droit de la propriété intellectuelle
dans un monde globalisé, Mélanges en l'honneur du professeur Joanna Schmidt-Szalewski, coll. du CEIPI, LexisNexis, 2013, p. 153 et s.
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