Droit et économie - Droit et économie de la propriété intellectuelle - 66

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La propriété intellectuelle, « outil économique »

§ 2. - L'exclusivité en cause...
L'une des grandes hypothèses du droit économique, posée par Farjat55, est que
le phénomène de concentration économique pousse à une mutation des principales catégories juridiques.
Ce phénomène de concentration est évidemment très présent dans l'économie
de l'immatériel. Et cette concentration (qui va de paire avec la financiarisation,
soit dit en passant) n'est donc pas sans incidence sur les droits de propriété
intellectuelle, sur ce qui fait leur essence : l'exclusivité.
En effet, ces derniers ont été conçus, à l'origine, comme des droits de propriété,
des droits exclusifs. Des droits individuels, dont l'exercice est individuel, voire
personnel.
Or, que constate-t-on aujourd'hui ?
Du côté du droit des brevets, les droits sont souvent regroupés au sein de
portefeuilles, ils sont détenus et exercés par des entreprises, au sein de groupes
industriels dont les vrais propriétaires (au sens substantiel) sont finalement les
actionnaires.
Du côté de la propriété littéraire et artistique, cela fait quelques années
maintenant que la doctrine s'interroge par exemple sur l'existence d'un droit
d'auteur sans auteur56, un droit dont les acteurs économiques sont les industries
de la culture et des médias, et les sociétés de gestion collective57.
De nouveaux acteurs sont apparus sur la scène de la propriété intellectuelle :
les consommateurs et le marché, qui jouent aujourd'hui un rôle de premier plan.
Sur cette scène, de nouveaux décors ont été plantés : innovation, concurrence,
mais aussi santé, alimentation, biodiversité, environnement, culture...
Que l'on se tourne du côté du droit des brevets, ou vers celui du droit d'auteur
ou des droits voisins, l'on constate que les rapports juridiques entre inventeurs,
auteurs et industries sont de plus en plus collectifs. Des accords collectifs sont
favorisés qui permettent de fixer les bases de la rémunération des inventeurs
salariés58 ou des auteurs59, mais aussi l'exercice de leurs droits.
Ce passage de l'individuel ou du personnel au collectif, ce souci de l'intérêt
général au-delà des intérêts privés, se ressent sur le caractère exclusif des droits
de propriété intellectuelle qui est souvent présenté comme un dogme.
Effectivement, c'est le principe en matière de propriété intellectuelle.
L'exclusivité est, selon l'expression de T. Revet et F. Zenati-Castaing, la traduction
en droit de la notion de puissance60.
55. G. Farjat, Droit économique, 1re éd, PUF Thémis, 1971.
56. J. Ginsbourg, « L'avenir du droit d'auteur : un droit sans auteur ? », Communication, Commerce
électronique, n° 5, mai 2009, p. 89 et s.
57. F. Siiriainen, Le caractère exclusif du droit d'auteur à l'épreuve de la gestion collective, thèse Nice, 1999.
58. V. notamment CPI, art. L. 611-7.
59. V. notamment CPI, art. L. 132-25.
60. V. par exemple CPI, art. L. 132-25 et L. 132-31.
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