Hors collection - Quel pilotage des réformes en finances publiques au Maroc et en France ? - 69

MARIE-CHRISTINE ESCLASSAN

temps du contrôle de constitutionnalité de la loi fiscale par le juge constitutionnel se double par ailleurs d'une extension du contrôle sur le fond
opéré par ce dernier. Le juge constitutionnel ne vérifie pas seulement que
la nouvelle loi fiscale respecte les principes constitutionnels qui s'imposent
au législateur6. Il apprécie également la rationalité de la loi et censure les
dispositifs qui ne lui paraissent pas cohérents avec les objectifs poursuivis
par le législateur7. De même, il vérifie aussi que le législateur respecte le
principe de clarté ainsi que l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et il censure les dispositions qui sont d'une
complexité excessive8.
Si le contrôle de constitutionnalité reste l'apanage du juge constitutionnel, seul compétent en la matière, il est à noter que la censure de la
loi fiscale pour non respect des conventions internationales et traités peut
être tout autant le fait du juge ordinaire qui est compétent pour assurer
le contrôle de conventionalité, que le fait d'un juge extérieur (comme la
Cour de justice de l'Union européenne ou la Cour européenne des droits
de l'homme). Les risques en la matière ne sont pas mineurs comme l'ont
montré certains arrêts retentissants9.

B. Les obstacles en aval
Les obstacles en aval concernent la mise en œuvre des lois fiscales. Les
difficultés en la matière peuvent être liées à la mauvaise qualité des dispositions législatives et/ou davantage se situer sur le terrain de la structure
administrative chargée de la mise en application des nouveaux dispositifs.
6. Le principe de légalité et d'égalité étant parmi les plus essentiels aux côtés des principes
de nécessité et d'annualité de l'impôt.
7. Le Conseil constitutionnel a par exemple censuré une taxe sur les boissons sucrées
qui avait été introduite par le projet de loi de finances pour 2012. À l'origine, l'objectif du
législateur était de lutter contre l'obésité en instituant une taxe sur la fabrication de sodas
sucrés. Sous la pression des lobbies, le champ d'application de la taxe avait été étendu à
l'ensemble des boissons sucrées, y compris avec édulcorants. Le Conseil constitutionnel
a censuré ce dispositif au motif qu'il portait atteinte au principe d'égalité (DC 2011-644).
8. Il a ainsi censuré une première tentative de plafonnement des niches fiscales « à raison
de la complexité excessive de la loi », en précisant qu'aucun motif d'intérêt général suffisant ne permettait au cas particulier de justifier une telle complexité (déc. 29 déc. 2005).
En l'espèce cette justification a été écartée au regard de la faiblesse du gain fiscal attendu
(40 millions d'euros) comparée aux pertes de recette résultant de la réforme concomitante
de l'IR (3,8 milliards d'euros).
9. On citera à titre d'exemple l'arrêt rendu par la CJCE ayant censuré l'imposition française des plus-values latentes (affaire dite de l'exit tax) : CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02,
H. de Lasteyrie du Saillant c/ ministère français de l'Économie, des Finances et de l'Industrie ;
on peut retenir de même l'arrêt rendu par la CEDH ayant censuré la procédure française
du droit de visite et de saisie de documents (CEDH, 21 févr. 2008, n° 18407/03, Ravon c/
France).

Hors collection - Quel pilotage des réformes en finances publiques au Maroc et en France ?

Table des matières de la publication Hors collection - Quel pilotage des réformes en finances publiques au Maroc et en France ?