Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 117

DÉTERMINATION GÉNÉRALE DE LA FINALITÉ DU PROCÈS

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sur la notion de vérité que le droit en arrive à nier la vérité matérielle pour faire
prévaloir une vérité purement formelle13 et néanmoins relative14.
Et l'on mesure combien les conséquences en sont critiquables quand on peut
lire sous la plume d'un haut magistrat15 :
« Quels que soient le brillant et la pertinence des thèses juridiques pour
combattre la doctrine du Conseil constitutionnel, c'est lui qui possède la vérité
juridique en vertu de l'article 62 de la Constitution ».
Prenant cette théorie et cet état du droit comme acquis, la doctrine en a tiré
deux conséquences dommageables.
100. Conséquences. Tout d'abord, puisque la loi doit recourir à ce moyen
brutal qu'est la présomption irréfragable pour affirmer la vérité du jugement16,
cela signifie « a contrario » que, sans cette aide extérieure et arbitraire, le jugement, par nature, ne peut prétendre à la vérité17.
Sa vérité est purement fictive.
On en conclut l'incapacité du procès à découvrir et à manier la vérité matérielle.
Plus gravement encore, l'on finit par dissocier justice et vérité18.
Dans cet esprit, le procès n'est plus tant processus de découverte de vérité19
que pure mesure d'apaisement social.
Le contradictoire perd alors son caractère fondamental.
Mais, plutôt que de dérouler les conséquences logiques d'un lien supposé
entre autorité et vérité, il convient de contester ce rapport même.
2. L'autonomie de la « vérité légale » par rapport à l'autorité
101. Absence de fondement historique. Ce lien, tout d'abord, ne peut se prévaloir d'aucun fondement historique20, et c'est tardivement que le droit l'a établi.
13. Sur le caractère « artificiel » de la vérité judiciaire, voir Jean CARBONNIER
« INTRODUCTION-LES PERSONNES » (précité, p. 49).
14. Car « comment expliquer que si la chose jugée tire son autorité d'une présomption ou d'une
fiction de vérité, que la vérité ne s'impose pas à tous » ?, comme le relève Jean FOYER « DE
L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE EN MATIÈRE CIVILE... » (précité, p. 313).
15.Conclusions de A.TOUFFAIT sous l'arrêt de la chambre criminelle du 26 février 1974 « SCHIAVON »
(D. 1974, p. 273, note Robert VOUIN). Par ailleurs, DELVOLVÉ « LE JUGE ADMINISTRATIF ET LA
VÉRITÉ » (précité, p. 367) n'hésite pas à soutenir que le juge a le pouvoir de « formuler la vérité en formulant
le droit ». C'est un système d'infaillibilité positive, dont on sent tous les dangers.
16. La « décision sera réputée vérité par ordre de la loi » (Élisabeth de FONTENAY et Foullek
RINGELHEIM « L'HISTORIQUE ET LE JUDICIAIRE », précité, p. 43).
17. Ainsi Pierre HÉBRAUD « LA VÉRITÉ DANS LE PROCÈS ET LES POUVOIRS
D'OFFICE DU JUGE » (Annales de l'Université des sciences sociales de Toulouse, tome XXVI,
1978, p. 379, p. 404, p. 381) en conclut que « le statut juridique de l'autorité de chose jugée est le meilleur témoignage de l'impossibilité d'atteindre à une complète certitude, à une vérité absolue ».
18. C'est la position adoptée par Pierre HÉBRAUD (précité, p. 379). On peut aussi se référer à
la réflexion amère d'André GIDE, après ses « SOUVENIRS DE LA COUR D'ASSISES » (Paris,
Gallimard, p. 8) : « La justice humaine est chose douteuse et précaire ».
19. Voir, par exemple, José DUCLOS « L'OPPOSABILITÉ... » (précité, no 106, p. 133, note 154).
Plus particulièrement, Daniel TOMASIN « ESSAI SUR L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE EN
MATIÈRE CIVILE » (précité, no 329, p. 242) affirme que « le procès civil n'est pas une mécanique juridique tendue vers la conquête de la vérité ». Il raille, par ailleurs, « le mouvement doctrinal qui voit dans
le raisonnement du juge un mécanisme merveilleux permettant d'accéder à la vérité... » (p. 141).
20. Voir Daniel TOMASIN « ESSAI SUR L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE EN
MATIÈRE CIVILE » (précité, p. 239 et s.).
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