Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 150

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GÉNÉRALITÉS SUR LE PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

C'est une preuve naturellement métaphysique98.
En cela, le système des ordalies, qui appelait Dieu à confirmer ou infirmer les
dires du jureur99, était plus logique qu'un droit qui permet à un individu de
conférer statut de vérité à ses affirmations, en reniant le seul fondement possible
de la règle : le fondement religieux.
133. Serment et office du juge. Aussi ne s'étonnera-t-on pas que, de la façon
la plus catégorique, jurisprudences criminelle100 et administrative101 interdisent
l'utilisation d'un tel mode de preuve.
C'est donc par un archaïsme irrationnel102, et renié tout à la fois103, que le
droit civil continue, par le jeu déjà critiqué de l'article 1350 du Code civil, à accorder un crédit exorbitant au serment qui lie le juge.
Il conviendrait donc d'abandonner radicalement ce mode de preuve.
Il faut donc admettre que les preuves doivent être insérées dans un débat, entre
les acteurs du débat, selon une nécessité intérieure au procès, dans sa logique même.
98. Voir les sanctions prévues par le LÉVITIQUE (V, versets 21 et s., éd. Pléiade de l'Ancien
Testament, tome 1, p. 305/306). Paul FIESCHI VIVET « CONTRATS ET OBLIGATIONS / PREUVE
PAR SERMENT » (juris-classeur civil, art. 1357 à 1369, 1986) remarque que « seul un certain mysticisme religieux peut justifier ce mode de preuve » (no 3). Le principe est, d'ailleurs, comme le prévoit
l'article 321 § 1 du Nouveau Code de procédure civile, qu'il se fait « en personne et à l'audience ».
C'est pourquoi un auteur, faisant place dans ses réflexions à Dieu et à la Bible, comme Chaïm
PERELMAN, approuve la force attachée au serment car « on ne peut pas qualifier une procédure
d'irrationnelle parce qu'on y invoque le nom de Dieu » (« LA PREUVE EN DROIT, ESSAI DE
SYNTHESE », précité, p. 364). Sur le lien positif entre serment et religieux, voir l'arrêt de la chambre
criminelle du 6 mai 1987 « SUISSA » (Bull. no 182, p. 487).
De la même façon, l'aveu n'a de valeur probatoire qu'à titre de confession, l'accusé rendant ainsi
« hommage à sa conscience et à la vérité » (Dolly LARISSE SAMSON « L'AVEU », mémoire pour le
D.E.S. de sciences criminelles, Paris, 1965, p. 104 et s.), dévoilant « le fait purement intérieur à
l'homme » (Robert VOUIN « L'AVEU DANS LA PROCÉDURE PÉNALE », précité, 783, qui développe ainsi l'idée d'un droit de l'accusé à l'aveu). L'aveu opère alors une sorte de « conversion laïque »,
décrite par Jean SUSINI « L'AVEU, SA PORTÉE CLINIQUE » (précité, p. 679).
99. Dominique BARTHÉLEMY « PRÉSENCE DE L'AVEU DANS LE DÉROULEMENT
DES ORDALIES (IXe-XIIIe SIÈCLE » (in « L'AVEU, ANTIQUITÉ ET MOYEN-ÂGE », précité,
p. 191 à 214, p. 191) rappelle que « c'est Dieu, instance suprême de la vérité, qui manifeste celle-ci, à
l'appel des hommes, dans le corps de l'éprouvant ».
100. L'arrêt de la chambre criminelle du 17 décembre 1921 « AGAMDOUMERECAR » (D.P.
1923,1, p. 178, note critique A.H.) pose que « le serment litisdécisoire ne peut être déféré devant la
juridiction répressive qui exclut ce mode de preuve, inconciliable avec l'exercice de l'action publique ».
101.Le Conseil d'État affirme, dans l'arrêt du 29 novembre 1851 « PELISSIER » (Rec., p. 720) que
« les articles 1350 et s. du Code civil, relatifs au serment décisoire, ne s'appliquent qu'aux contestations
portées devant les tribunaux ; ... aucune disposition légale n'en a étendu les effets à la juridiction administrative et ...des motifs d'ordre public s'opposent à ce qu'un tel serment soit déféré devant cette juridiction ».
Plus qu'une interprétation de la volonté implicite du législateur, telle que la conçoit Charles
DEBBASCH « CONTENTIEUX ADMINISTRATIF » (précité, p. 524), il faut y voir, comme pour
la jurisprudence criminelle, l'affirmation prétorienne d'une incompatibilité entre le serment et une
procédure inquisitoire, parce que soucieuse de la découverte de la vérité, démarche qui serait gravement contrariée par une affirmation péremptoire.
102. Car « l'aspect religieux du serment rend étonnante sa prise en compte dans un droit laïc »
(Paul FIESCHI VIVET « CONTRATS ET OBLIGATIONS / PREUVE PAR SERMENT, no 3, p. 4).
103. Renié par l'illogique abandon de l'ordalie.
Non qu'il faille y revenir, car il faut bien plutôt abandonner le serment comme preuve. Renié par
la jurisprudence restrictive qui limite la recevabilité du procédé, comme le montrent les arrêts de la
chambre commerciale du 26 janvier 1981 « MEREL C/ DANO (Bull. no 47, p. 35) et de la chambre
sociale du 17 novembre 1983 « AIR FRANCE C/ LECLERC » (Bull. no 563, p. 400).
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