Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 71

CONTRADICTOIRE ET PROTECTION DU TIERS

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Le contradictoire exige que cette incontestabilité initiale ne concerne que les
parties qui ont participé à l'instance préalable47.
C'est le fondement de l'exigence de l'identité de parties, posée par l'article
1351 du Code civil.
Ainsi, parce que celles-ci ont bénéficié de la contradiction, l'autorité de chose
jugée peut interdire aux parties de remettre en cause, d'une façon initiale, ce qui a
été jugé48.
58. Liberté d'action des tiers. Parce que les tiers n'ont pas bénéficié de la
contradiction, l'autorité de chose jugée ne peut poser cette interdiction à l'égard
des tiers49.
Pour eux, l'incontestabilité ne peut jouer, et ils pourront soit remettre en
cause la décision, par une action propre, si elle leur fait grief, soit l'ignorer si elle
n'a pas modifié l'état du droit50.
La règle de la relativité subjective51 de l'autorité de chose jugée est donc la
conséquence directe du principe du contradictoire.
Elle est consacrée par l'article 1351 du Code civil52, mais la puissance de sa
source suffirait à l'imposer juridiquement, et suffit, d'ailleurs, à condamner la
notion d'autorité absolue 53.
Même à la supposer libérée du statut légal, l'autorité de la chose jugée, par
nature et par implication du contradictoire54, ne peut s'appliquer qu'aux parties.
Cette influence du contradictoire sur l'autorité de chose jugée a souvent été
confondue avec l'influence distincte qu'il a exercée sur les effets de la décision.
47. Voir, par exemple, l'opinion exprimée par Jean VINCENT, dans son commentaire du jugement
du tribunal de commerce d'Angers du 4 décembre 1957 « G. C/ Crédit de l'Ouest » (précité). De même,
José DUCLOS « L'OPPOSABILITÉ... » (précité, no 18, p. 43) expose que « l'article 1351 s'appuie sur
des considérations spécifiques du droit judiciaire, en particulier le principe du contradictoire ».
48. Henri MOTULSKY « POUR UNE DÉLIMITATION PLUS PRÉCISE DE L'AUTORITÉ
DE LA CHOSE JUGÉE EN MATIÈRE CIVILE » (précité, no 37) démontre que, pour déterminer la
question litigieuse insusceptible de rediscussion, il faut relever « tout point qui a été contradictoirement débattu devant le juge ».
49. Pour une application récente, voir, par exemple, l'arrêt de la deuxième chambre civile du
28 octobre 1987 « BUREAU QUALITAS C/ VIET » (Bull. no 211, p. 118).
50. Voir infra, p. 127 et s.
51. La relativité ne concerne, en effet, que les personnes.
52. Voir p. 101, note 296. Sur les difficultés d'application de ce texte, voir Henri MOTULSKY
« POUR UNE DELIMITATION PLUS PRECISE DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE EN
MATIÈRE CIVILE » (précité).
53. Voir infra, p. 115 et s.
54. Ainsi Raymond BUFNOIR, à propos « DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE EN
MATIÈRE D'ÉTAT DES PERSONNES » (thèse PARIS, 1983, Rousseau, p. 8) a posé que le mécanisme était « fondé » sur le contradictoire et que l'article 1351 ne faisait que le « consacrer formellement ». Bien que favorable à la notion d'autorité absolue, il en conclut à regret que, seul, le législateur
peut imposer l'autorité absolue d'une décision. Moins respecteux, M.H.D. COSNARD « L'AUTORITÉ
DES ACTES ET DES JUGEMENTS D'ÉTAT DANS LA LÉGISLATION FRANÇAISE
MODERNE » (R.T.D.C. 1961, p. 5 à 24) considère qu'il est temps de remettre en cause cet état de chose,
et qu'il convient de reconnaître un principe d'autorité absolue. La position la plus radicale est celle adoptée par Raymond GUILLIEN « L'ACTE JURIDICTIONNEL ET L'AUTORITÉ DE LA CHOSE
JUGÉE » (thèse Bordeaux, 1931) qui consiste à remettre en question cette filiation même entre le
contradictoire et la relativité de la chose jugée, en considérant qu'il s'agit là d'un principe « encombrant », hérité du « caractère profondément individualiste » du droit romain (p. 273).
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