Anthologie du droit - Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel - 91

CONTRADICTOIRE ET PROTECTION DU TIERS

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Pour cela, trois conditions doivent s'imbriquer pour que la tierce-opposition
se conçoive.
Il faut que la décision soit opposable à tous.
Il faut qu'elle modifie l'état du droit.
Il faut qu'elle fasse grief au tiers158.
Or, dans le contentieux de la constitutionnalité, les décisions concernent, par
définition, des textes qui ne sont pas entrés en vigueur.
L'ordre juridique ne peut donc être affecté par un contrôle a priori, antérieur
à l'entrée en vigueur.
Touchant un texte qui, faute de promulgation, ne modifie pas l'ordre juridique, le Conseil constitutionnel, même s'il annule ce texte, ne modifie pas l'état
du droit.
La tierce-opposition perd ici sa source, qui est l'affirmation par le jugement
d'un nouvel agencement du droit.
Mais l'objection ne vaut plus lorsque le contrôle s'exerce a posteriori, comme
c'est le cas dans le contentieux électoral, à propos duquel on peut concevoir une
tierce-opposition au profit du tiers qui, se prévalant de cette qualité, demande à ce
que lui soit rendue inopposable une décision qui, transformant l'ordre juridique,
lui fait grief.
L'obstacle réside alors dans la Constitution elle-même qui exclut « tout
recours ».
La jurisprudence du Conseil constitutionnel a jusqu'ici été très ferme, refusant ainsi le recours en rectification159 et le recours en révision160.
Cependant, si la doctrine du Conseil constitutionnel inclinait dans le sens
d'une reconnaissance de la tierce-opposition déduite de la logique du système,
pourrait-il interpréter favorablement ce texte.
C'est, en effet, ce que fit le Conseil d'État161, lorsqu'il admit l'ouverture de
la tierce-opposition, à propos du recours pour excès de pouvoir162, en renversant
l'interprétation d'un texte qui ne la prévoyait qu'en matière de contentieux,
c'est-à-dire de « plein contentieux »163, ou plus généralement lorsqu'en présence
158. C'est pourquoi est critiquable l'absence de tierce-opposition contre les arrêts de la Cour de
cassation, décidée par l'arrêt de la chambre civile du 17 janvier 1870 (S. 1870, 1, 121), dès l'instant
qu'elle statue sans renvoi.
159. Décision du 5 mai 1959 « BUFFIERE » (précité).
160. Décision no 82-963 du 30 juillet 1982 « CHAUFF0UR » (Rec., p. 113). L'argument tiré de
l'infaillibilité du Conseil constitutionnel est faible (Claude FRANCK « LES FONCTIONS
JURIDICTIONNELLES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL... », précité, p. 151). En fait, seul
le texte existant justifie cette exclusion.
161. L'on sait que les deux institutions sont l'objet d'un fréquent et fructueux parallèle. C'est
l'objet de la thèse de Claude FRANCK (précité) ou de l'article de J.-P. LEBRETON « LES
PARTICULARITÉS DE LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE » (précité, p. 424 et s.).
162. Et l'annulation d'une loi est souvent comparée à l'annulation d'un acte administratif,
comme le fait, par exemple, Jacques CADART « DROIT CONSTITUTIONNEL ET INSTITUTIONS
POLITIQUES (précité, p. 165).
163. Arrêt du Conseil d'État du 29 novembre 1912 « BOUSSUGE » (précité).
http://www.162.Et
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