Les Mélanges - Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Henri Oberdorff - 107

ROMAIN TINIèRE

Il ne faut toutefois pas déduire de cette réponse que la « simple violation »
potentielle des droits fondamentaux d'un demandeur d'asile peut permettre d'infirmer la présomption et remettre en cause la confiance mutuelle. En effet, si la
Cour admet que le traitement des demandes d'asile puisse rencontrer « des difficultés majeures de fonctionnement dans un État membre déterminé » entraînant
un « risque sérieux que des demandeurs d'asile soient [...] traité d'une manière
incompatible avec leurs droits fondamentaux », il ne saurait pour autant en être
déduit que « toute violation d'un droit fondamental par l'État membre responsable »36 suffise. Il faut en effet qu'il y ait « lieu de craindre sérieusement qu'il
existe des défaillances systémiques » dans l'accueil et le traitement des demandes
d'asile impliquant la violation de l'interdiction de la torture et des traitements
inhumains ou dégradants37. Ainsi, faute de « défaillances systémiques », la « simple
violation » d'un droit fondamental ne semble pas être en mesure de remettre en
cause la confiance mutuelle entre États et donc d'empêcher le transfert d'un
demandeur d'asile vers l'État responsable38, cette lecture restrictive ayant été
confirmée dans l'arrêt Abdullahi en des termes analogues39.
Qu'il s'agisse du mandat d'arrêt européen ou du système Dublin, la lecture du
principe de confiance mutuelle par la Cour de justice conduit donc à (sur)valoriser ce principe au nom de l'effectivité du droit de l'Union et au détriment de la
protection effective des droits fondamentaux. En effet, le postulat de confiance
mutuelle entraîne quasi mécaniquement celui du respect des droits fondamentaux par les États membres à l'aide d'une présomption particulièrement difficile à
renverser. Toutefois, cette lecture n'est pas la seule envisageable, et la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme et de certaines juridictions nationales tend au contraire à vouloir faire reposer la confiance mutuelle
sur un respect effectif des droits fondamentaux.

II - une confIance mutuelle exIgeant
le respect effectIf des droIts fondamentaux

Cette lecture alternative des relations entre confiance mutuelle et protection
des droits fondamentaux est apparue récemment dans le cadre du contentieux
relatif au système d'asile européen avec l'arrêt Tarakhel c/ Suisse de la Grande
Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme40, arrêt qui s'appuie luimême en partie sur un arrêt rendu par la Cour suprême du Royaume-Uni dans
une affaire analogue.
36. Pts 81 et 82.
37. En l'espèce l'article 4 de la Charte, le constat étant étendu par la Cour aux
articles 1, 18 et 47 (pt 114).
38. Avec toutefois la possibilité pour l'État de faire jouer la clause de souveraineté
présente à l'article 17 du règlement Dublin III.
39. CJUE, Gde Ch., 10 décembre 2013, aff. C-394/12, pt 60.
40. CEDH, Gde Ch., 4 novembre 2014, Tarakhel c/ Suisse, req. no 29217/12.

Les Mélanges - Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Henri Oberdorff

Table des matières de la publication Les Mélanges - Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Henri Oberdorff