Les Mélanges - Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Henri Oberdorff - 133

DENYS SIMON

103

confiance légitime63, de force majeure, de proportionnalité, de bonne administration64, ont fait l'objet d'une détermination de leur contenu en fonction des exigences du droit de l'Union, ce qui revenait à leur donner un sens communautaire,
voire à en faire des « notions autonomes » en droit de l'Union, dont le contenu
était radicalement singularisé par rapport à la conception transversale des concepts
homonymes dans les ordres juridiques nationaux.
Il en est également ainsi s'agissant de l'ensemble des notions juridiques floues
ou des concepts juridiquement indéterminés65, dont le droit de l'Union fait un
large usage.
Cette typologie sommaire des origines des notions autonomes se répercute
nécessairement sur leur traitement juridictionnel, qui détermine l'intensité de
l'autonomisation. Là encore le processus d'autonomisation est susceptible de
degrés, qu'on peut présenter dans un ordre d'intensité décroissante.
En premier lieu - et c'est le modèle le plus fréquemment évoqué - l'autonomisation atteint parfois un degré maximal. Le juge de l'Union procède dans ce cas
de figure par voie de substitution d'une notion communautaire autonome par
rapport aux concepts nationaux, au nom de la nécessité d'une application uniforme du droit de l'Union et du respect de l'égalité entre les sujets du droit de
l'Union. Même si la Cour ne l'indique pas toujours de manière explicite, l'impératif de construction d'une notion autonome peut s'imposer également dans certains cas afin d'éliminer des divergences ou des incertitudes imputables aux différentes versions linguistiques des textes de droit de l'Union66. Il s'agit dans tous les
cas de se prémunir contre des écarts de sens qui porteraient atteinte à l'unité
d'application du droit de l'Union. C'est la raison pour laquelle l'interprétation de
la notion qui doit faire l'objet d'une autonomisation se fonde sur le « contexte »
de la disposition et sur la « finalité » de la réglementation en cause67.
63. S.  Calmes, Du principe de protection de la confiance légitime en droit allemand,
communautaire et français, Dalloz, 2001 ; D.  Simon, « La confiance légitime en droit
communautaire : vers un principe général de limitation de la volonté de l'auteur de l'acte ? »
in Le rôle de la volonté dans les actes juridiques, Études à la mémoire du Professeur Alfred Rieg,
Bruxelles, Bruylant 2000, p. 733.
64. J.  Lassalle, Le principe de bonne administration en droit communautaire, thèse
Université Panthéon-Assas (Paris II), 2008 ; D. Simon, « Le principe de "bonne administration"
ou "la bonne gouvernance" concrète », in Le droit de l'Union européenne en principes, Liber
amicorum Jean Raux, Rennes, Apogée, 2006, p. 155.
65. Notions généralement qualifiées par la doctrine allemande de « unbestimmte
Rechtsbegriffe » : v.  D.  Simon, « L'interprétation des notions juridiques floues : dérive ou
déviance de la normativité ? » in C. Dubouin (dir), Dérives et déviances, Le Publieur, 2005,
p. 43 et s.
66. V.  par exemple CJCE, 7  décembre 1995, Rockfon, aff.  C-449/93, sp. pt  28 ;
24  octobre 1996, Kraaijeveld, aff.  C-72/95, sp. pt  28, Europe 1996, comm.  452, obs.
D. Simon ; CJUE, 22 mars 2012, Genesis, aff. C-190/10, sp. pt 42.
67. V.  par exemple CJCE, 6  février 2003, SENA, aff.  C-245/00 préc. (à propos de la
notion de « rémunération équitable » dans le cadre des droits d'auteurs et droits voisins) ;
CJUE, 21 octobre 2010, Padawan, aff. C-467/08 (à propos de la notion de « compensation
équitable » dans le contexte de la copie privée). La méthode est présentée sensiblement dans
les mêmes termes dans les arrêts Ekro, Linster, et A. précités.
Les Mélanges - Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Henri Oberdorff

Table des matières de la publication Les Mélanges - Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Henri Oberdorff
