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LES « NOTIONS AUTONOMES » EN DROIT DE L'UNION

On notera que ce modèle d'autonomisation totale correspond souvent à des
hypothèses mettant en cause le champ d'application du droit de l'Union, qui
constituent des clés d'entrée dans des régimes relevant du droit de l'Union, qu'il
s'agisse des notions de marchandises, de travailleurs, de services, dont l'extension
et la compréhension déterminent l'applicabilité même des règles de droit de
l'Union. Il en est de même des notions, qui définissent les modalités d'exercice
des compétences des institutions, telle que le concept de « subsidiarité », ou les
compétences de la Cour de justice, telle que la notion de « juridiction » dans le
cadre du renvoi préjudiciel, ou encore les principes régulateurs de la répartition
des compétences, comme le principe des compétences d'attribution, le principe
de préemption ou le principe de coopération loyale.
Ce processus d'autonomisation intégrale, qui semble tellement connu de tous,
n'en est pas moins plus complexe qu'il n'y paraît. Il arrive en effet que l'émergence
d'une notion autonome se combine, au moins initialement, avec le renvoi au
droit national. C'est ainsi qu'à l'origine, la définition de la notion de juridiction
nationale dans le contexte du renvoi préjudiciel avait semblé impliquer que toute
instance qualifiée de juridiction par le droit national devait être assimilée à une
« juridiction » au sens du droit communautaire, mais que la « juridiction nationale » au sens du droit communautaire incluait en outre toute instance, quelle
que soit sa qualification en droit interne, qui répondait aux critères posés par la
« jurisprudence Vaassen Göbbels »68. Cette vocation inclusive a ensuite été combinée avec une vocation exclusive. En effet, ultérieurement, la notion s'est individualisée davantage, en excluant les juridictions qualifiées comme telles par le
droit national, dès lors qu'elles remplissaient une fonction non juridictionnelle69,
et en mettant davantage l'accent sur les critères d'indépendance et d'impartialité70. La qualification est dorénavant présentée comme « une question qui relève
uniquement du droit de l'Union »71.
On constate donc que le processus d'autonomisation peut être progressif, et
que la définition autonome peut être évolutive, y compris dans la situation relativement simple de l'autonomisation maximale.
En deuxième lieu, la situation peut en effet être plus subtile : le processus
d'autonomisation est bien réel, mais demeure limité à un encadrement communautaire de la signification du concept dans les droits nationaux. Telle est la pratique dominante dans l'interprétation des notions qui autorisent les États
membres à déroger aux principes de la libre circulation des marchandises, des
personnes et des services. Pour ne retenir qu'un exemple, c'est ainsi que l'exception d'ordre public72, telle qu'elle figure dans les articles 36, 45 § 3, 52 § 1 TFUE,
a fait l'objet d'un encadrement tant par les directives bien connues que par la
68. CJCE, 30 juin 1966, Veuve Vaassen Göbbels, aff. 61/65.
69. V. par exemple CJUE, ord., 12 janvier 2010, Amiralke Berlin, aff. C-497/08 ;
31 janvier 2013, Belov, aff. C-394/11.
70. CJUE, 22 décembre 2010, RTL Belgium, aff. C-517/09 ; ord., 13 février 2014,
Merck Canada, aff. C-555/13 ; CJUE, 9 octobre 2014, TDC, aff. C-222/13.
71. CJUE, 19 avril 2012, Grillo Star Fallimento, aff. C-443/09, sp. pt 20.
72. Il en est évidemment de même pour la moralité publique.

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