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L'ÉTERNELLE CANDIDATURE EUROPÉENNE DE LA TURQUIE

années-là, nous voudrions dans cette modeste contribution mesurer cette épreuve
du temps pour la candidature d'Ankara sur une période plus rapprochée et le faire
exclusivement du côté turc. En effet, depuis que le gouvernement de
Recep Tayyip Erdoğan a ouvert des négociations d'adhésion en 2005, plus encore
que l'UE (en dépit du traité de Lisbonne et du Fiscal Compact), la Turquie a
connu des transformations profondes. Ces dernières ne concernent pas simplement la poursuite d'un développement économique et des mutations sociétales
afférentes, mais aussi et surtout le système politique et le positionnement du pays
sur la scène internationale.
Seizième puissance économique mondiale, membre du G20, affichant une
croissance et des résultats économiques supérieurs à ceux de beaucoup d'États
membres, notamment au sein de ceux qui ont adhéré en 2004 et 2007, la Turquie, depuis l'avènement de l'AKP2, en 2002, a patiemment déconstruit la
démocratie contrôlée mise en place par l'armée et l'establishment kémaliste au
cours de la seconde moitié du xxe siècle. Dans le même temps, sur le plan diplomatique, elle a régulièrement manifesté son souci de disposer d'une marge de
manœuvre notable par rapport à ses alliés occidentaux. Notre propos souhaite
donc mesurer l'ampleur de ces évolutions de politique intérieure et extérieure
pour vérifier leur compatibilité avec la poursuite du projet européen de ce pays.

I - de la lIbéralIsatIon aux déboIres de l'état de droIt
Dans le sillage des réformes qui avaient été accomplies au début des années
2000 pour obtenir la reconnaissance officielle de sa candidature et l'ouverture de
négociations d'adhésion, le gouvernement de l'AKP a continué les réformes législatives et constitutionnelles entreprises par ses prédécesseurs3. L'avènement de
dirigeants issus de la mouvance islamiste n'a pas affecté outre mesure la politique
européenne de la Turquie. Et ce d'autant plus que pendant la première législature
de l'AKP au pouvoir (2002-2007), les relations entre le parti majoritaire et l'establishment kémaliste, en particulier l'armée, sont relativement consensuelles et
apaisées. Les libertés et les droits de l'homme profitent de cette évolution. Certains tabous de l'histoire officielle sont ébranlés, et la question kurde semble reposée dans un contexte plus favorable à sa résolution.
Alors même que ce processus de libéralisation politique paraît durable, la
situation va commencer à changer avec la seconde législature de l'AKP (20072011). En 2007, après une victoire amplifiée de l'AKP aux législatives et l'élection
par le nouveau parlement élu d'un président de la République (Abdullah Gül)
issu des rangs de ce parti islamo-conservateur, cette législature se caractérise par
2. Adalet ve Kalkınma Partisi (parti de la justice et du développement) : formation postislamiste fondée en 2001 par Recep Tayyip Erdoğan et Abdullah Gül.
3. Sur ces réformes, v. notamment : İ. Kaboğlu « De la réforme constitutionnelle en
Turquie », mai 2002, Chroniques de l'OMIJ, Limoges, PULIM, mars 2004, p. 9-30 ou encore,
« Vers le droit constitutionnel des libertés en Turquie », in Mélanges G. Kassimatis, Ant.
N. Sakkoulas, Athènes, Berliner Wissenschafts-Verlag, Bruylant, 2004, p. 939-955.

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