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LE DIALOGUE DES JUGES DANS L'UNION EUROPÉENNE

ouverte par l'arrêt Cohn-Bendit33 sur l'effet direct des directives. Désormais, « tout
justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une
directive, lorsque l'État n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures
de transposition nécessaires »34. Cette position est conforme à la jurisprudence de
la Cour de justice qui, dans l'arrêt Van Duyn, affirmait que certaines dispositions
d'une directive pouvaient engendrer « en faveur des particuliers des droits qu'ils
peuvent faire valoir en justice dans un État membre et que les juridictions nationales doivent sauvegarder »35. De même, en reconnaissant dans l'arrêt Gestas la
possibilité d'engager la responsabilité de l'État dans l'hypothèse où une décision
juridictionnelle devenue définitive serait « entachée d'une violation manifeste du
droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers »36,
le Conseil d'État s'est manifestement rangé à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne37. En effet, si le Conseil d'État accepte, depuis 1978,
d'engager la responsabilité de l'État pour faute lourde à raison de l'activité des
juridictions administratives, il refuse traditionnellement que ce mécanisme soit
mis en œuvre à raison du contenu d'une décision juridictionnelle devenue définitive38, et cette jurisprudence persiste dans tous les cas où le droit de l'Union n'est
pas concerné. Enfin, même si c'est à l'occasion d'une affaire mettant en cause la
Convention européenne des droits de l'homme que le juge administratif a dégagé
un nouveau régime de responsabilité du fait des lois contraire aux engagements
internationaux de la France39, qui n'est pas soumis aux conditions restrictives
énoncées dans l'arrêt La Fleurette40, les exigences imposées par la Cour de justice
en matière de réparation des dommages causés par la violation du droit de l'Union
ne sont sans doute pas étrangers à cette évolution jurisprudentielle. En effet, dès
1991, dans l'arrêt Francovich et Bonifaci, la Cour de justice avait affirmé que « les
États membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par
les violations du droit communautaire qui leur sont imputables »41. Elle a ensuite
précisé que ce principe s'imposait « pour toute hypothèse de violation du droit
communautaire par un État membre, quel que soit l'organe de l'État membre dont
l'action ou l'omission est à l'origine du manquement »42.
33. CE, ass., 22 décembre 1978, Ministre de l'Intérieur contre Cohn-Bendit, Lebon, p. 524.
34. CE, ass., 30 octobre 2009, Mme Perreux, Lebon, p. 408.
35. CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn c/ Home Office, aff. 41/74, Rec. p. 1337 et s., pt 15.
36. CE, 18 juin 2008, Gestas, Lebon, p. 230.
37. CJCE, 30  septembre 2003, Gerhard Köbler c/  Republik Österreich, aff.  C-224/01,
Rec. p. 10239 et s. V. infra.
38. CE, ass., 29 décembre 1978, Darmont, Lebon, p. 542.
39. CE, ass., 8 février 2007, Gardedieu, Lebon, p. 56.
40. CE, ass., 14  janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette »,
Lebon, p. 25.
41. CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci c/ Italie, aff. jtes C-6/90 et C-9/90,
Rec. p. I-5357 et s., pt 33.
42. CJCE, 5  mars 1996, Brasserie du pêcheur SA c/  Bundesrepublik Deutschland et The
Queen c/  Secretary of State for Transport ex parte Factortame Ltd e.a., aff.  jtes  C-46/93 et
C-48/93, Rec. p. I-1029 et s., pt 42.
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