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LE DIALOGUE DES JUGES DANS L'UNION EUROPÉENNE

L'autonomie institutionnelle renvoie ainsi au libre choix par les États membres
des organes chargés de la mise en œuvre du droit dérivé. Quant à l'autonomie
procédurale, elle implique, concernant les juridictions internes, qu'il appartient
au juge national de déterminer « parmi les divers procédés de l'ordre juridique
interne, ceux qui sont appropriés pour sauvegarder les droits individuels conférés
par le droit communautaire »50. Il n'en reste pas moins que la Cour de justice a été
chargée d'assurer « le respect du droit dans l'interprétation et l'application des
traités »51, et qu'elle dispose pour ce faire d'un pouvoir de sanction des États
membres52, ce qui lui confère une prééminence à l'égard des juridictions nationales lorsqu'est en cause le droit de l'Union européenne. La notion de dialogue
des juges masque donc, en partie, la subordination des juridictions internes à la
jurisprudence européenne.
Ainsi, le renvoi préjudiciel, qui est généralement perçu comme l'archétype du
dialogue entre les juridictions nationales et la Cour de justice53, présente certaines ambiguïtés. En effet, s'il est traditionnellement présenté comme une procédure de « coopération judiciaire » par laquelle « juridiction nationale et Cour de
justice, dans l'ordre de leurs compétences propres, sont appelées à contribuer
directement et réciproquement à l'élaboration d'une décision »54, le juge de renvoi n'en reste pas moins lié par la réponse apportée à sa question préjudicielle par
la Cour de justice. En effet, si l'article 267 TFUE ne mentionne pas l'autorité des
arrêts rendus sur renvoi, la Cour de justice a pour sa part affirmé, dans un arrêt
du 5 octobre 1986, que l'arrêt par lequel elle « statue à titre préjudiciel sur l'interprétation ou la validité d'un acte pris par une institution de la Communauté
tranche, avec l'autorité de la chose jugée, une ou plusieurs questions de droit
communautaire, et lie le juge national pour la solution du litige au principal »55.
Dans d'autres arrêts, elle semble même aller au-delà de l'autorité relative de chose
jugée, pour reconnaître à ses arrêts une « autorité de chose interprétée s'imposant
aux juridictions autres que celles (sic) qui a posé la question »56. En témoigne, par
exemple, l'arrêt International Chemical Corporation du 13 mai 1981, dans lequel
la Cour affirme qu'un arrêt rendu sur renvoi et constatant « l'invalidité d'un acte
d'une institution, en particulier d'un règlement du Conseil ou de la Commission,
bien qu'il ne soit adressé directement qu'au juge qui a saisi la Cour, constitue une
50. CJCE, 4  avril 1968, Firma Gebrüder Lück contre Hauptzollamt Köln-Rheinau,
aff. 34/67, Rec. p. 359 et s., sp. p. 370.
51. Art. 19 TUE.
52. Via le recours en manquement prévu par l'article 258 TFUE.
53. V. supra note 8. V. également Bernard Stirn pour qui « le renvoi préjudiciel est par
lui-même un moyen d'échange et de dialogue » : B. Stirn, « Le juge administratif français
dans un environnement européen », in B.  Lukaszewicz et H.  Oberdorff (dir.), Le juge
administratif et l'Europe : le dialogue des juges, op. cit., p. 48.
54. CJCE, 1er  décembre 1965, Firma G. Schwarze c/  Einfuhr- und Vorratsstelle für
Getreide und Futtermittel, aff. 16/65, Rec. p. 1081 et s.
55. CJCE, ord., 5 octobre 1986, Wünsche Handelsgesellschaft GmbH & Co., aff. 69/85,
Rec. p. 947 et s., pt 13.
56. C. Blumann et L. Dubouis, Droit institutionnel de l'Union européenne, LexisNexis,
2013, p. 724.
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