Les Mélanges - Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Henri Oberdorff - 213

FABIEN TERPAN

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du droit communautaire9 sur les droits nationaux, la Cour de Luxembourg a
renforcé le caractère supranational de l'Union européenne et incité à un renouvellement de la doctrine juridique qui, désormais, ne conteste plus la spécificité du
droit de l'Union par rapport au droit international. Dans ce contexte, on défendra l'idée selon laquelle l'État, en tant que structure d'accueil traditionnelle du
constitutionnalisme, n'est pas un horizon indépassable. À la question générale
posée par cet article -  le constitutionnalisme existe-t-il au-delà du cadre étatique ?  - on répondra par l'affirmative. La notion de constitutionnalisme peut
être utilisée valablement dans le cas de l'Union, bien que celle-ci ne soit pas un
État. Pour l'admettre, il faut dissocier la constitution de la souveraineté, ce qui,
on l'a vu, a déjà été fait dans les États fédéraux, et ce qui peut être fait aussi dans
le cadre de l'Union.
La définition du constitutionnalisme sur laquelle nous fondons notre analyse
comprend quatre éléments ou conditions d'existence. Les deux premiers sont dits
matériels ou fonctionnels : une constitution doit prévoir, d'une part, l'organisation du pouvoir aux niveaux horizontal et vertical, et d'autre part la liste des droits
fondamentaux dont le respect s'impose à la fois aux gouvernants et aux gouvernés. Les deux autres éléments, dits formels ou institutionnels, sont liés à la source
de la constitution - le pouvoir constituant - et à son efficacité, assurée par un
mécanisme de contrôle de constitutionnalité. Nous écarterons, en revanche, l'idée
que cette norme est nécessairement étatique.
Généralement, les auteurs qui envisagent l'existence d'un constitutionnalisme
européen10 considèrent que, matériellement, les traités font office de constitution,
alors que formellement ils s'en différencient. L'UE serait fondée sur des textes qui
auraient un contenu constitutionnel mais qui, demeurant soumis à la volonté des
États souverains, ne pourraient pas être formellement constitutionnels. Nous soutiendrons, au contraire, que l'Union européenne est le lieu d'un constitutionnalisme à la fois matériel et formel. Autrement dit, les traités européens correspondent
à la définition susmentionnée parce qu'ils exercent des fonctions constitutionnelles
(les deux conditions matérielles) (I), tout en répondant par ailleurs, dès lors qu'on
9. Le droit communautaire est devenu droit de l'Union européenne depuis l'entrée en
vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009.
10. Parmi les auteurs ayant discuté l'idée d'un droit constitutionnel européen :
P.  Lauvaux, « Existe-t-il un modèle constitutionnel européen ? », Droits, no  14, 1991,
p.  49-60. J.-F.  Flauss (dir.), « Vers un droit constitutionnel européen, quel droit
constitutionnel européen ? », Colloque des 18 et 19  juin 1993, RUDH 1995, p.  357.
V. Constantinesco, « L'émergence d'un droit constitutionnel européen », RUDH 1995,
p. 445. J. Gerkrath, L'émergence d'un droit constitutionnel pour l'Europe, Éd. de l'Université
de Bruxelles, 1997. J.-C.  Piris, « L'Union européenne a-t-elle une constitution ? Lui en
faut-il une ? », RTDE, 35, 4, octobre-décembre 1999, p.  599-633. A.  Stone Sweet,
Governing with Judges: Constitutional Politics in Europe, Oxford University Press, 2000.
L.-S. Rossi, « "Constitutionnalisation" de l'Union européenne et des droits fondamentaux »,
RTDE 2002, p. 27-52. R. Arnold (dir.), The Emergence of A European Constitutional Law,
Bruylant, 2011. B. Stirn et Y. Aguila, Droit public français et européen, Sciences Po Les
Presses, Dalloz, 2014.
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