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LA QUALITÉ DU DROIT

Une idée est transversale à ce thème de la qualité du droit, celle d'« amélioration » du droit. Cette idée d'amélioration, pas si évidente que cela, peut être
expliquée de la manière suivante. D'une part, pendant plus d'un siècle, en fait
depuis qu'elle a été réorganisée sous le Ier Empire, l'administration est demeurée
fixe, elle n'a pas changé, elle est demeurée figée. On considérait que cette administration était parfaite, avec ce thème ressassé de « cette administration que le
monde nous envie » avec, pour conséquence, cette conviction qu'il n'y avait pas à
opérer de grands changements, il suffisait de poursuivre dans la même voie ce qui
avait été engagé. Le décalage qui s'est produit entre la société, qui avait profondément changé, et l'administration qui ne changeait pas, est devenu insupportable.
Il est apparu indispensable de faire évoluer l'administration, de l'adapter à notre
temps, ce qui a été et demeure difficile15. Le changement indispensable ne pouvait qu'être présenté comme une amélioration, aussi bien pour l'administration
que, plus encore, pour les citoyens.
D'autre part, en parlant d'amélioration, on se place dans un courant qui
caractérise notre époque sur tous les plans16 : ce qui est, aujourd'hui, est mieux
que ce qui était, doit nécessairement être mieux que ce qui était. Il est difficile
d'admettre, pour les individus comme pour les dirigeants, que quelque chose
puisse être moins bien. Tout changement qui intervient ne peut, par définition,
qu'être une amélioration par rapport à ce qui a précédé. Cette conviction, qui
vacille dans un certain nombre de domaines17, s'alimente à cette croyance au
progrès qui a marqué le début du xxe siècle. Et, curieusement, au moment où la
croyance dans le progrès a déserté un certain nombre de domaines, elle s'est
installée dans le domaine de l'action administrative, comme si, en la matière,
tous les thèmes qui ont agité la société il y a un siècle s'y répercutaient avec un
temps de retard.
Mais des considérations beaucoup plus concrètes ont également conditionné
des réformes qui ont été engagées et ont donné lieu à ces affirmations réitérées de
qualité du droit. L'une de ces considérations est ce que l'on pourrait appeler le
temps de réaction de l'administration. L'administration a toujours été lente à
prendre des décisions, mais cela n'avait pas une importance capitale tant que l'on
se trouvait dans le cadre d'un État peu interventionniste et d'une nation largement repliée sur elle-même. Cette situation devient intenable dans un monde
ouvert où, de plus, les comparaisons entre les mérites respectifs des différents
systèmes se multiplient, et cela au détriment de la France. Dans tous les domaines
on se plaint du temps pour obtenir une autorisation de l'administration.
Le phénomène est moins simple à expliquer qu'il n'y paraît. Plusieurs facteurs contribuent à cette lenteur qui peut paraître exaspérante. L'un de ces
15. Il est toujours difficile de changer les habitudes, à plus forte raison dans des structures
anciennes qui se sont habituées à un certain mode de fonctionnement.
16. Sauf précisément sur le plan de la protection sociale, et ce renversement de perspective
est peut-être l'un des facteurs du pessimisme qui, selon les enquêtes, caractérise les Français.
17. L'exemple le plus spectaculaire est celui des retraites, avec la crainte de nombreux
jeunes gens et jeunes filles qu'ils n'auront qu'une retraite limitée par rapport à celle qui a été
celle de leurs parents.

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