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LE MALADE, LE MÉDECIN ET LA MORT : L'ARRÊT DU TRAITEMENT

Nul ne pense qu'à lui seul le législateur détient la réponse à ces interrogations,
car beaucoup dépend de l'organisation de notre système de santé et des moyens
mis à sa disposition. Mais notre système juridique et notre société reconnaissent
le législateur comme l'autorité à qui, dans le respect de la Constitution et des
normes internationales, il revient de trancher les débats de principe. En atteste le
flux incessant de lois proposées et la succession de celles qui ont été adoptées : loi
du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d'accès aux soins palliatifs ; loi du 4 mars
2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi
Kouchner ; loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie,
dite loi Léonetti. Aussi bien est-ce dans la perspective d'une modification législative que s'est déroulé le débat public initié en juillet 2012 par la mise en place, par
le président de la République, de la Commission de réflexion sur la fin de vie
présidée par le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif
national d'éthique (CCNE). Ce processus a débouché sur la mission confiée à
deux parlementaires, Alain Claeys et Jean Léonetti, d'élaborer une proposition de
loi qui, normalement, devrait être soumise au Parlement en 2015.
La proposition présentée le 12 décembre 20144 doit retenir l'attention pour
de nombreuses raisons. Elle intervient au terme d'un débat aussi ample et approfondi qu'il est souhaitable, auquel ont pris part des instances de réflexions spécialisées tels le CCNE, les conseils nationaux de l'ordre de médecine, les espaces
régionaux de réflexion éthique, des sociétés de pensée, des autorités religieuses,
l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (AMDD), les médias, mais
aussi les citoyens ainsi qu'en témoigne le rapport du CCNE sur le débat public
concernant la fin de vie du 21 octobre 2014. Surtout, à côté des divergences persistantes concernant le suicide assisté et l'euthanasie, ce débat a révélé de réelles
convergences portant sur des mesures susceptibles d'améliorer de façon significative la situation existante. S'appuyant sur ces convergences, présentées par un
représentant de la majorité et un de l'opposition, les propositions formulées par
les deux députés devraient largement se retrouver dans la loi qui sera adoptée par
le Parlement après des débats que tous souhaitent dénués d'esprit partisan.
Au stade présent, il est donc important d'essayer d'évaluer ce que pourraient
apporter les « nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de
vie » que le législateur est invité à consacrer. Il saute aux yeux que les mesures proposées s'inscrivent dans la dynamique qui, depuis la fin du siècle dernier, porte
notre droit à améliorer la condition du malade en accordant plus de poids à sa
volonté et plus d'attention à l'apaisement de ses souffrances et que la relation entre
le malade et le médecin se trouve impliquée car, comme le rappelle Dominique Lecourt, « la douleur plus que tout autre phénomène [...] est le point même
où se nouent les rapports serrés des hommes et de leur médecin, leurs attentes,
leurs espoirs, leurs fantasmes parfois, leurs déceptions souvent »5. Il en est a fortiori
ainsi lorsque le malade se trouve en fin de vie ou près d'y entrer et qu'il est envisagé
4. Rapport de présentation et texte de la proposition de loi de MM.  Alain  Claeys et
Jean Léonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
5. Dictionnaire de la pensée médicale, PUF, 2004, p. 356.
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